Soumettre une personne détenue à des mesures de contrôle et de surveillance excessives lors d’une extraction médicale porte atteinte à sa dignité et à son droit à bénéficier de soins de qualité. C’est ce que vient de rappeler le Tribunal administratif de Nantes en condamnant l’État à indemniser Monsieur X., détenu à Nantes.
Incarcéré au centre de détention de Nantes, Monsieur X. a fait l’objet de deux extractions médicales au centre hospitalier de Nantes le 22 juillet et le 28 octobre 2015. Sur instruction de leur hiérarchie, les surveillants qui l’escortaient ont refusé de lui retirer les entraves et sont restés dans la salle d’examen pendant les consultations. Le 15 janvier 2019, le Tribunal administratif a jugé ces mesures excessives et contraires au droit de Monsieur X. à avoir accès à des soins dans des conditions respectueuses de la dignité, rappelant le cadre très strict dans lequel ce type d’extractions doit se dérouler.
Le Tribunal rappelle toute d’abord que « le droit au secret médical des détenus est opposable au personnel pénitentiaire », écartant l’argument du ministre de la Justice selon lequel la présence d’agents pénitentiaires au cours des consultations ne violerait pas le droit au secret médical. Comme le rappelait en effet déjà la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) en 2006, « cette surveillance implique toujours la violation du secret, les actes médicaux étant pratiqués sous l’œil des surveillants et les propos échangés, généralement susceptibles d’être entendus par eux, compte tenu de la configuration des locaux à l’hôpital ».
Le Tribunal rappelle ensuite que les mesures de sécurité appliquées à une personne détenue au cours des extractions médicales doivent toujours être strictement nécessaires et proportionnées à sa situation. Car, comme le relevait le Comité européen pour la prévention de la torture dans un rapport sur la France en 2000, « examiner des détenus soumis à des moyens de contrainte est une pratique hautement contestable tant du point de vue de l’éthique que du point de vue clinique et elle n’est pas de nature à créer une relation de confiance appropriée entre le médecin et le patient ».[1] Dans le cas de Monsieur X., le Tribunal a jugé que rien ne justifiait qu’il soit soumis à de telles mesures de sécurité. Quelques jours seulement avant l’extraction du 28 octobre 2015, Monsieur X. avait bénéficié d’une permission de sortir accordée au regard de son « bon comportement » et de ses « efforts en vue de sa réinsertion ».
Le Tribunal rappelle enfin que le fait d’être soumis à des mesures de sécurité excessives lors d’une extraction médicale cause nécessairement un préjudice moral à la personne qui en fait l’objet compte tenu de l’atteinte portée à sa dignité. Il va même jusqu’à souligner qu’ici, ce préjudice résulte également de l’atteinte portée au droit à avoir accès à des soins, Monsieur X. « n’ayant pas osé poser à son médecin toutes les questions qu’il souhaitait au cours de ces consultations » et « ayant par la suite renoncé à de nouvelles extractions pour raisons médicales de peur qu’elles se déroulent dans les mêmes conditions ». Comme le rappelait en effet le Contrôleur général des lieux de privation de liberté il y a quelques années, les « humiliations profondes d’apparaître en public entre deux personnes en uniforme, dans un grand cliquetis de chaînes, source d’effroi pour les personnes présentes (…) entraînent des refus des personnes détenues de se soigner »[2].
Alors que la France a déjà été condamnée en 2011 par la Cour européenne des droits de l’homme pour les mesures de sécurité excessives imposées aux détenus lors des extractions médicales[3], cette décision rappelle que de telles dérives subsistent et que l’administration ne saurait faire fi du cadre strict dans lequel les extractions médicales de personnes détenues doivent se dérouler.
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[1] Rapport au gouvernement de la République française relatif à la visite en France effectuée par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du 14 au 26 mai 2000.
[2] CGLPL, Rapport d’activités 2012.
[3] Duval c. France, 26 mai 2011.