Leur rituel est bien rôdé : tous les mardis matin, Céline(1) se rend chez sa belle-mère. Elles prennent chacune leur téléphone, et, inlassablement, composent le même numéro : celui de l’accueil famille de la prison de Bourg-en-Bresse, afin de réserver un parloir pour rendre visite à Stéphane. Leurs tentatives durent une heure, parfois deux, avant que l’une d’elles n’arrive à parler à quelqu’un. Ces temps d’attente, la quasi-totalité des familles qui vont visiter leur proche au centre pénitentiaire de Bourg-en-Bresse en ont fait l’expérience. En cause : la borne de réservation située à l’accueil famille fréquemment en panne – quand ce ne sont pas les cartes de réservation qui sont défectueuses. Si bien que la plupart des familles privilégient le téléphone. Dès 9h, des dizaines de familles se bousculent au standard téléphonique pour réserver un créneau. Un nombre d’appels conséquent donc, géré par trop peu de salariés, pour, in fine, des heures d’attente propres à en décourager plus d’un. Ces problèmes de réservation de parloir, qui portent atteinte au respect de la vie familiale, sont loin d’être circonscrits à la prison de Bourg-en- Bresse, comme a encore pu le constater le Défenseur des droits à l’occasion d’une enquête menée en 2018(2). Dans sa décision, rendue fin 2018, le Défenseur soulignait également l’hétérogénéité des dispositifs techniques de prise de rendez-vous selon les prisons, qui rompt le principe d’égalité des citoyens devant le service public pénitentiaire. Il enjoignait au ministère de la Justice de les évaluer « afin que soit identifiée l’option la plus performante » et que soit mis en place « un système homogène de prise de rendez-vous téléphonique sur l’ensemble du territoire, permettant de garantir l’égal accès des familles et des proches de détenus aux parloirs ». Le Défenseur demandait à ce qu’il soit rendu compte des suites données à ses recommandations dans un délai de six mois. Redoutant que ces recommandations demeurent sans effet, l’OIP a également sollicité leur mise en œuvre auprès de la ministre et du directeur de l’administration pénitentiaire puis a, faute de réponse, saisi le Conseil d’État début août.
par Charline Becker
(1) Les prénoms ont été changés.
(2) Décision du Défenseur des droits n° 2018-305, 27 décembre 2018.