Le 22 février dernier, le tribunal administratif de Bastia a condamné l’Etat à verser 4 177.97 euros à Laurent G., au titre d’impayés de salaire. La rémunération qu’il avait perçue de l’administration pénitentiaire pendant trois ans et demi d’activité était inférieure à la norme légale. Une situation généralisée en prison.
Alors qu’il était détenu à la prison de Casabianda, qui comprend une exploitation agricole et forestière, Laurent G. a été affecté de janvier 2012 à juillet 2015 dans différentes productions au sein de l’établissement : l’élevage de brebis, le bois ou encore le moulin. La loi pénitentiaire de 2009 prévoyant que le paiement des activités de production ne saurait être inférieur à 45 % du SMIC horaire brut, Laurent G. aurait dû bénéficier d’une rémunération minimum de 4.14 à 4.32 euros de l’heure suivant l’évolution du SMIC au cours des années. Tel n’a pas été le cas.
Laurent G. a perçu des rémunérations oscillant entre l’équivalent de 1.87 euros et 3.86 euros de l’heure. En avril 2015, par exemple, il n’a touché que 453.39 euros pour 147 heures de travail, alors qu’en application de la loi, l’administration aurait dû lui verser 544.32 euros. Avec, au total, en trois ans et demi, près de 4 200 euros de manque à gagner.
Si peu de personnes détenues engagent de telles procédures, son cas est loin d’être isolé. En dépit de la publication en décembre 2010 des décrets d’application de la loi pénitentiaire, l’administration continue de se référer aux modalités de rémunération antérieures à la loi avec, en atelier, des paiements à la pièce aboutissant à des rémunérations horaires inférieures aux taux légaux. En décembre 2013, la directrice de l’administration pénitentiaire évoquait « la mise en place de la rémunération horaire » comme un moyen « d’en finir avec l’idée d’un travail pénitentiaire fondé uniquement sur la production à la pièce, qui exploite les personnes détenues à des conditions particulièrement désavantageuses » (8èmes rencontres parlementaires sur les prisons). L’administration prévoirait de la rendre effective en 2016. Sans toutefois envisager d’indemniser tous les travailleurs détenus qui, depuis des années, ont eu à subir, outre des conditions de travail dignes du « premier âge industriel », la violation de l’un des rares droits qui leur sont reconnus.
L’OIP rappelle :
– la recommandation Rec (2006) 2 du Conseil de l’Europe sur les règles pénitentiaires européennes selon laquelle : « le travail des détenus doit être rémunéré de façon équitable » (Règle 26-10) et « à l’idéal » de manière « conforme aux salaires pratiqués dans l’ensemble de la société » (commentaires
– les articles 32 de la loi pénitentiaire et D.432-1 du Code de procédure pénale selon lesquels « la rémunération du travail effectué au sein des établissements pénitentiaires par les personnes détenues ne peut être inférieure à 45 % du salaire minimum interprofessionnel de croissance pour les activités de production. »