A l’occasion de la publication de ses statistiques pénales annuelles (SPACE I et II), le Conseil de l’Europe alerte sur le fléau de la surpopulation carcérale, qui affecte 21 Etats, dont la France. Il exhorte les instances judiciaires à recourir le plus possible aux mesures alternatives, en remplacement de courtes peines de prison et de détentions provisoires.
Beaucoup de pays n’introduisent pas suffisamment de peines alternatives à l’emprisonnement », déplore le Conseil de l’Europe, incitant à les « utiliser le plus possible ». Dans un communiqué du 29 avril 2014 accompagnant la publication des statistiques pénales annuelles1, le Conseil regrette également le recours marginal aux mesures de substitution à la détention provisoire : « Seuls 7 % des accusés en attente de jugement sont placés sous la supervision des services de probation ».
En France, le taux plafonne à 2,2 %. Afin de « s’attaquer avec détermination au problème de la surpopulation carcérale et d’accroître les chances de réinsertion des délinquants », le Comité des ministres invite les gouvernements à développer les mesures alternatives à l’emprisonnement, telles que la probation, les travaux d’intérêt général ou l’assignation à résidence. Il relève certes une « augmentation significative » du nombre de personnes sous probation (13,6 % de plus entre 2011 et 2012, et 29,6 % de plus depuis 2010), mais sans que le recours à l’incarcération ne diminue d’autant, dans un contexte de sévérité accrue des politiques et pratiques pénales.
Courtes peines de prison en cause
En ligne de mire, les pratiques des « instances judiciaires [qui] prononcent souvent des peines de prison très courtes » : en moyenne 20 % des détenus purgent des peines de moins d’un an. Avec 36,5 % de détenus condamnés dans cette tranche, la France se place bien au-dessus de la moyenne, en 5e position des pays où ce pourcentage est le plus élevé. Le Conseil relève à cet égard que le vol (20 %) et le trafic de stupéfiants (17 %) « demeurent les délits les plus courants pour lesquels des détenus ont été condamnés à une peine d’emprisonnement » en Europe. C’est ainsi que la privation de liberté reste loin de figurer comme « dernier recours, […] prévue […] lorsque la gravité de l’infraction rendrait toute autre sanction ou mesure manifestement inadaptée », comme le demande le Conseil de l’Europe depuis 1999.
Taux d’incarcération en hausse
Avec 117 détenus pour 100 000 habitants, la France figure parmi les 35 pays considérés par le Conseil de l’Europe comme ayant un taux d’incarcération élevé (supérieur à 100). Elle fait partie des neuf Etats dont le taux a augmenté de plus de 5 % entre les 1er septembre 2011 et 2012, accentuant une tendance générale : le taux médian d’incarcération pour les Etats membres marque une hausse de 2,7 %, pour atteindre 125,6 détenus pour 100 000 habitants [il y a autant de pays avec une valeur inférieure que de pays avec une valeur supérieure]. La France est aussi mal placée concernant la surpopulation carcérale, qui reste « un problème grave dans 21 administrations pénitentiaires en Europe ». Un taux moyen de 117 détenus pour 100 places (contre 113,4 l’année précédente) inscrit l’Hexagone entre le Portugal (112,7) et la Roumanie (118,9).
Les prisons françaises sont plus surpeuplées que celles du Montenegro, de l’Albanie ou de l’Arménie… Seuls sept pays connaissent une situation pire encore, l’Italie et la Serbie ayant les taux les plus élevés (145,4 et 159,3 %). Pour parfaire son argumentation en faveur d’une décroissance carcérale, le Conseil de l’Europe rappelle enfin le coût de l’emprisonnement, avec un montant journalier moyen de 103 euros par personne détenue, et de 96 euros en France. Les 42 administrations pénitentiaires européennes ayant répondu sur ce point ont consacré, en 2011, plus de 16 milliards d’euros aux prisons.
Barbara Liaras
1 Données au 1er septembre 2012 portant sur 47 des 52 administrations pénitentiaires que comptent les 47 Etats membres du CE. Le Royaume- Uni compte trois administrations distinctes (Angleterre et Pays-de-Galle, Irlande du Nord, Ecosse), l’Espagne deux (Catalogne et fédérale), la Bosnieet- Herzégovine deux (Bosnie-Herzégovine et République serbe de Bosnie).