Après avoir affirmé l’illégalité des régimes de fouilles à nu systématiques au regard de la loi pénitentiaire de 2009 (1), le Conseil d’État a franchit un pas supplémentaire, le 6 juin 2013, en jugeant que ce régime porte une « atteinte grave et manifestement illégale » aux principes de « respect de la dignité humaine » et de « respect de la vie privée » qui constituent des « libertés fondamentales » garanties par la Constitution et par la Convention européenne des droits de l’homme.
Saisi par l’OIP en référé-liberté, le Conseil d’État a suspendu une note du directeur de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis instituant pour trois mois un régime de fouilles intégrales systématiques à l’issue des parloirs. La Haute Juridiction retient l’existence d’une situation d’urgence compte tenu de « la fréquence et [du] caractère répété des fouilles intégrales encourues à l’échelle de l’établissement pénitentiaire ». Et enjoint au directeur de l’établissement de modifier sans délai « les conditions d’application du régime des fouilles intégrales systématiques afin d’en permettre la modulation en fonction de la personnalité des détenus ». Reste à savoir si ce sérieux rappel à l’ordre de la Haute Juridiction sera entendu, l’administration pénitentiaire semblant déterminée à ne pas respecter les nombreuses décisions de justice prononcées ces deux dernières années à la demande de l’OIP.
Dans une seconde décision également rendue le 6 juin 2013, le Conseil d’État rejette le référé-liberté formé par une personne détenue de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, qui demandait la suspension d’une note du chef d’établissement le visant spécifiquement et prescrivant qu’il soit fouillé à nu systématiquement après chaque parloir. Le Conseil d’État précise que le requérant a été condamné pour association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme, et estime « qu’eu égard tant à la nature des faits qui ont entraîné sa condamnation qu’à l’ensemble de son comportement en détention au vu desquels il fait l’objet d’un suivi particulier, le maintien, immédiatement après l’arrivée du requérant à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, du régime de fouilles intégrales systématiques dont il faisait l’objet auparavant apparaît justifié par les nécessités de l’ordre public ». Dans ces conditions, le juge estime que l’administration n’a pas porté d’atteinte manifestement illégale à une liberté fondamentale. À cet égard, il peut apparaître discutable de justifier des fouilles au regard de l’infraction – par définition immuable – et non de risques spécifiques existant au moment où la fouille est conduite. Néanmoins, le Conseil d’État prend soin de préciser qu’il incombe au chef d’établissement de « réexaminer le bien-fondé [de cette note], à bref délai et, le cas échéant, à intervalle régulier, afin d’apprécier si le comportement et la personnalité du requérant justifient ou non la poursuite de ce régime exorbitant ».
Conseil d’État, 6 juin 2013, OIP n° 368816 et M. A., n°368875
(1) CE, 11 juil. 2012, OIP, n° 347146 et 26 sept. 2012, x., n°359479