Par six arrêts du 6 décembre 2013, la Section du contentieux du Conseil d’Etat a rejeté les pourvois formés contre des arrêts de la Cour administrative d’appel de Paris refusant à des détenus handicapés une indemnité pour leurs conditions de détention en cellules « médicalisées » à Fresnes.
Elle précise les conditions dans lesquelles le juge des référés peut accorder une provision à un détenu en réparation du préjudice subi du fait de ses conditions de détention.
Le Conseil d’État rappelle que des conditions de détention portant atteinte à la dignité humaine sont constitutives d’une faute de nature à engager la responsabilité de L’État vis-à-vis du détenu, qui peut obtenir une indemnisation devant le juge administratif. L’appréciation de ce caractère attentatoire à la dignité « dépend notamment de [la] vulnérabilité [des personnes incarcérées], appréciée compte tenu de leur âge, de leur état de santé, de leur handicap et de leur personnalité, ainsi que de la nature et de la durée des manquements constatés », mis en balance avec les « motifs susceptibles de justifier ces manquements eu égard aux exigences qu’impliquent le maintien de la sécurité et du bon ordre dans les établissements pénitentiaires, la prévention de la récidive et la protection de l’intérêt des victimes ». Lorsqu’une personne détenue sollicite le versement d’une provision auprès du juge des référés, il faut que le préjudice subi soit établi par le requérant « avec un degré suffisant de certitude ». Si « l’évaluation du montant de la provision […] est incertaine, le juge des référés ne doit allouer de provision […] que pour la fraction de ce montant qui lui parait revêtir un caractère de certitude suffisant ».
Au vu de ces principes, le Conseil d’État a confirmé les arrêts de la Cour administrative d’appel de Paris jugeant que la provision allouée à certains détenus handicapés ne se justifiait pas. Pour la Haute Juridiction, la Cour a décidé à bon droit que les conditions de détention des requérants en cellule médicalisées, « spécialement aménagées pour accueillir des personnes handicapées », n’atteignaient pas « un degré de gravité tel que [le préjudice invoqué] puisse être regardé comme non sérieusement contestable ». Une décision contestable au vu du constat d’expert qui mettait en lumière le fonctionnement défectueux des équipements, le manque d’espace pour une circulation normale des personnes handicapées en cellule et le taux très élevé d’humidité dans des cellules dont les fenêtres étaient situées trop haut pour être accessibles à des personnes en fauteuil. (CE, 6 déc. 2012, n° 363290, n° 363291, n° 363292, n° 363293, n° 363294, n° 363295)
N.F.