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Recours conditions de détention : un commencement de preuve suffit

A l’impossible nul n’est tenu. S’il appartient en principe au demandeur de prouver l’existence d’une faute imputable à l’administration, il en va différemment s’agissant d’une demande formée par un détenu contre ses conditions de détention. C’est cet assouplissement du principe de la charge de la preuve que consacre l’arrêt rendu par le Conseil d’État le 21 mars 2022. Un détenu avait souhaité demander réparation au vu de l’indignité des conditions dans lesquelles il avait été détenu. En première instance, le tribunal administratif de Toulon avait rejeté la demande au motif que le demandeur n’apportait aucun témoignage ou élément prouvant la réalité des traitements qu’il disait avoir subi.

La décision du Conseil d’État signe une avancée importante en prévoyant que « lorsque la description faite par le demandeur de ses conditions de détention est suffisamment crédible et précise », elle peut « constituer un commencement de preuve de leur caractère indigne. C’est alors à l’administration qu’il revient d’apporter des éléments permettant de réfuter les allégations du demandeur ». Ce renversement de la charge de la preuve, qui pesait jusqu’alors sur les détenus, offre à ces derniers une garantie non négligeable de pouvoir faire entendre la réalité des traitements indignes qu’ils subissent en détention. Cette décision ne rétablit cependant pas totalement l’équilibre entre les parties : lorsque l’administration répond aux allégations du requérant, en produisant devant le juge des explications et éléments visant à démontrer l’absence de traitement indigne, la seule parole de la personne détenue ne suffit généralement plus. Le nouveau principe posé par le Conseil d’État dans l’arrêt commenté pourrait alors n’être que « poudre aux yeux ». En pratique, les détenus qui ne disposent pas de preuves matérielles des mauvaises conditions qu’ils dénoncent risquent de rencontrer toujours autant de difficultés pour faire prévaloir devant le juge leur position sur celle de l’administration. — CE, 21 mars 2022, req. n°443986

Par Salomé Busson-Prin