Dans son avis sur la prison adopté le 24 mars dernier, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) appelle le gouvernement à passer, enfin, des constats aux remèdes.
Le 24 mars, à l’issue de dix-neuf auditions et d’une visite du quartier maison d’arrêt des hommes de Fresnes, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) a adopté un nouvel avis sur la prison(1). Cette institution indépendante, chargée notamment de contrôler l’effectivité des engagements de la France en matière de droits de l’homme, y regrette la persistance de nombreuses atteintes aux droits fondamentaux dans les lieux de détention, plus de deux ans après la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l’homme(2). Rappelant que « les mêmes constats ont été maintes fois dressés », la Commission souligne que « l’inertie à résoudre ces manquements questionne la volonté politique des pouvoirs publics français ». Elle invite à passer des constats aux remèdes via vingt recommandations « accessibles et pérennes qu’il conviendra au législateur de traduire en loi ». Avec pour objectif d’améliorer le respect des droits fondamentaux et de repenser les politiques pénale et pénitentiaire.
Sans prétendre à l’exhaustivité, elle revient sur la nécessité de rendre effectifs l’accès aux droits et à la justice, les droits à la dignité, à la santé, à la vie privée et familiale et à la réinsertion. La Commission insiste notamment sur le caractère indérogeable du droit à la dignité, qui impose d’adopter des mesures structurelles pour prévenir les violences et usages illégitimes ou disproportionnés de la force, d’améliorer les conditions matérielles de détention et de respecter le droit à l’encellulement individuel.
Mais pour que les droits fondamentaux soient respectés en prison, il faut en parallèle s’attaquer à l’enjeu majeur que constitue la surpopulation carcérale. La CNCDH note en effet que ce « mal chronique » constitue un facteur aggravant des « conditions de vie en détention, [qui] affecte toutes les étapes du parcours pénal et accroît les atteintes aux droits fondamentaux des personnes détenues ». Symptôme d’un « contexte de plusieurs décennies de politiques pénales de plus en plus sécuritaires », la Commission recommande pour y mettre fin de recourir « à des mesures immédiates de libération pour réduire la pression carcérale » et d’adopter de manière urgente « un plan national d’action » pour s’attaquer, enfin, à la source du problème et réduire la population carcérale.
Pour ce faire, elle déroule les différents angles d’action : limiter les entrées en prison, favoriser les sorties et inscrire dans la loi « un mécanisme de régulation carcérale qui interdise à tout établissement pénitentiaire, et tout quartier le composant, de dépasser un taux d’occupation de 100% ». Comme elle le rappelle à plusieurs reprises dans son avis, ce changement de paradigme passe nécessairement par une réorientation budgétaire majeure : « Mettre dès à présent un terme à la construction de nouvelles places de prisons, et […] réallouer les budgets dédiés à l’extension du parc carcéral à l’amélioration des conditions de détention, la prise en charge et l’accompagnement des personnes détenues ainsi que le renforcement du milieu ouvert. » Des constats et des remèdes déjà bien connus mais qu’il est indispensable de rappeler, jusqu’à ce que les pouvoirs publics aient le courage de s’en saisir.
Par Prune Missoffe
(1) CNCDH, « Avis sur l’effectivité des droits fondamentaux en prison. Du constat aux remèdes pour réduire la surpopulation carcérale et le recours à l’enfermement », A-2022- 5, 24 mars 2022.
(2) CEDH, J.M.B. et autres c. France, 30 janvier 2020, Req. n° 9671/15 et 31 autres,octobre 2018.