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Suspension de peine médicale : les juges ne sont plus tenus par les expertises

Quel que soit le contenu des expertises médicales, le juge conserve la possibilité de prononcer une suspension de peine.

Dans un arrêt du 26 juin 2013, la Cour de cassation relève que « même en présence de deux expertises concordantes établissant que le condamné ne se trouve pas dans l’une des situations [ouvrant droit à une suspension médicale de peine] » le juge conserve la possibilité « soit d’ordonner une nouvelle expertise, soit de rechercher si le maintien en détention de l’intéressé n’est pas constitutif d’un traitement inhumain ou dégradant, notamment par son incompatibilité avec les garanties qui lui sont dues pour protéger sa santé ». Autrement dit, le juge ne doit plus être regardé comme tenu par les conclusions des experts et peut pleinement jouer son rôle de gardien des libertés fondamentales. Cette décision vient substantiellement modifier le régime de la suspension médicale de peine régi par l’article 720-1-1 du Code de procédure pénale (CPP), selon lequel la suspension peut être ordonnée « si deux expertises médicales distinctes établissent de manière concordante » que le pronostic vital du condamné est engagé ou que son état de santé est durablement incompatible avec la détention. Les conditions posées par ce texte étaient estimées « pour certains cas, trop restrictives », notamment par le Contrôleur général des lieux de privation de liberté qui regrettait leur nombre « très faible » dans son rapport 2012. Et soulignait que les expertises ne tiennent pas « suffisamment compte des conditions matérielles d’incarcération», à l’instar du Professeur Martine Herzog-Evans pour qui les experts «connaissent fort mal la réalité carcérale, que ce soit sur le plan matériel ou psychologique » (AJ pénal, juin 2013). Avec son arrêt du 26 juin 2013, la Cour de cassation délie le juge du poids pourtant a priori accordé aux expertises par l’article720-1-1 du CPP. Elle opère un rapprochement avec la Convention européenne des droits de l’homme, en énonçant clairement que la mission première du juge est de prévenir ou de faire cesser les traitements inhumains et dégradants nés du maintien en détention de personnes en fin de vie ou gravement malades, appelant à un approfondissement de l’examen de la situation des condamnés.

Si cette avancée doit désormais être concrétisée par la jurisprudence ultérieure, l’arrêt commenté est à rapprocher d’une décision récente de la Cour d’appel de Caen, qui a accordé une suspension médicale de peine à une personne détenue alors qu’une seule expertise figurait au dossier et qu’elle concluait à la comptabilité de l’état de santé de l’intéressée avec la détention (CA, 18 avril 2013, n° 13/00117).

Mouna Rastegar

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