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Suspension de peine : un homme gravement malade renvoyé en prison

Fabien C. bénéficiait depuis dix-huit mois d’une suspension de peine pour raisons médicales. Il a dû « se présenter à la maison d’arrêt de Rouen le 6 octobre 2014 à 9 heures pour y être incarcéré et y purger la fin de sa peine ».

Ainsi en a décidé le juge de l’application des peines de Rouen, en dépit des pathologies lourdes et du handicap de Fabien C. Le détenu souffre depuis l’adolescence d’une maladie congénitale rare qui altère le métabolisme des reins et entraîne l’apparition fréquente de calculs rénaux et d’infections urinaires. Il est aussi sujet à une décalcification du squelette et une ostéoporose sévère favorisant l’apparition de fractures. Il présente par ailleurs des séquelles d’accidents vasculaires cérébraux dont une paralysie partielle de la jambe droite et une réduction de son champ visuel. Une hypertension sévère lui cause enfin céphalées et vertiges. Le tout le contraint à se déplacer avec une béquille, voire en fauteuil roulant.

Fin 2012, deux expertises médicales avaient conclu à un «état de santé durablement incompatible avec un maintien en détention », conduisant les magistrats d’Évreux à prononcer la suspension de peine. Une nouvelle expertise, rendue un an plus tard après un contrôle, débouche sur une conclusion inverse. Tout en relevant l’apparition de nouveaux symptômes, l’expert estime qu’« un suivi médical est nécessaire » mais que l’état de santé de Fabien C. est « durablement compatible avec la détention » ou avec « le port d’un bracelet électronique ».

Ces conclusions suscitent l’incompréhension des médecins de Fabien C., dont plusieurs indiquent ne pas avoir été consultés. Son médecin traitant estime qu’elles ne « paraissent pas entièrement représentatives de l’état de santé de [s] on patient ». Son pneumologue atteste quant à lui que la pathologie respiratoire de Fabien « paraît peu compatible […] avec un éventuel séjour en milieu carcéral », soulignant « un risque de décompensation respiratoire ». Une situation qui illustre les difficultés pointées récemment par un groupe de travail sur la suspension de peine médicale. Il a notamment recommandé dans ses conclusions de novembre 2013 une meilleure prise en compte du handicap et soulevé « la question de [la] connaissance [par les experts] du milieu carcéral ». Ceux-ci « gagneraient à mieux prendre en compte les conditions concrètes et effectives dans lesquelles vivent les personnes qu’ils examinent ». Une approche qui semble avoir fait défaut en l’espèce : placé au quartier d’isolement pour le protéger en raison de sa profession (inspecteur des douanes), Fabien ne peut bénéficier d’une exposition solaire suffisante ni d’un exercice de marche régulier, éléments essentiels pour limiter les risques de fracture et une aggravation rapide de son état.

OIP, Coordination Nord