L’idée que les prisonniers sont privés de leurs droits civiques est répandue. Pourtant, depuis la réforme du Code pénal de 1994, une condamnation à une peine de prison n’entraîne plus automatiquement l’interdiction de participer à la vie politique.
Les personnes sous écrou restent titulaires de leurs droits, sauf si une peine complémentaire d’incapacité électorale a été prononcée à leur encontre lors du jugement. Ce qui s’avère assez rare. En 2014, par exemple, seules 259 déchéances des droits civiques ont été prononcées pour un total de 278 939 condamnations à une peine de prison. La grande majorité des personnes incarcérées peuvent ainsi voter. En théorie. Car l’exercice de ce droit reste encore en prison un parcours semé d’embûches.
Les personnes qui souhaitent s’inscrire sur les listes électorales doivent le faire avant la fin de l’année précédant le scrutin. C’est-à- dire avant le 31 décembre 2016 pour participer aux prochaines élections présidentielles et législatives. Elles peuvent s’inscrire sur les listes de la commune de leur choix, à condition d’y avoir une attache, soit au titre d’une domiciliation, soit d’une contribution depuis plus de cinq ans aux impôts locaux. À défaut, elles doivent se retrancher sur la commune du lieu d’implantation de la prison. Et, dans ce cas-là, deux cas de figure. Soit elles y sont incarcérées depuis plus de six mois et elles peuvent directement demander un formulaire d’inscription auprès du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) ou du greffe de la prison. Soit elles y sont depuis moins longtemps et alors elles doivent préalablement se faire domicilier au sein de l’établissement.
L’inscription suppose aussi de disposer d’une pièce d’identité à jour ou périmée depuis moins d’un an. Ce qui peut s’avérer extrêmement délicat car les pièces d’identité sont souvent perdues en détention. Et la veille des durées de validité n’est pas toujours assurée…
Si l’étape de l’inscription est passée, les personnes détenues devront ensuite trouver des mandataires. Car, si elles ne peuvent bénéficier de permissions de sortir, ou si cela leur est refusé pour les scrutins, elles ne pourront voter que par procuration. Il leur faut donc trouver quelqu’un en dehors de la prison, sur le territoire d’une commune qu’elles ne connaissent pas forcément. Sans le concours d’associations présentes localement, c’est pratiquement mission impossible. Et un obstacle demeure encore : comment communiquer, en toute confidentialité, une consigne de vote lorsque toutes les communications avec l’extérieur peuvent être lues ou écoutées par l’administration pénitentiaire ? Résultat : en 2012, seuls 1 980 détenus ont participé aux élections présidentielles … Soit moins de 4 % de participation. D’autres pays, comme le Danemark ou encore la Pologne, ont fait le choix de l’inclusion et de la protection des droits civiques des personnes incarcérées en installant des bureaux de vote en détention. La France s’y oppose encore, alors qu’elle pourrait adjoindre ce dispositif à celui, fondamental, des permissions de sortir. Avec, en retour, une participation effective aux scrutins. En 2011, par exemple, 58,7 % des personnes incarcérées en Pologne en capacité de voter ont participé aux élections législatives.
Par Marie Crétenot, OIP