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Enfermé avec des fumeurs malgré une pathologie respiratoire

Suivi par un pneumologue pour des problèmes respiratoires depuis son incarcération à la maison d’arrêt d’Agen, il y a près de quatre ans, Monsieur Haas doit partager sa cellule avec des fumeurs depuis juillet 2024. Un certificat médical délivré le mois suivant atteste pourtant qu’il « présente un syndrome d’apnées du sommeil, appareillé.

Monsieur Haas est non-fumeur. Cette pathologie peut être aggravée par le tabagisme actif [ou] passif. » « La fumée de cigarette rend l’air irrespirable, j’ai des sensations d’étouffement, la fatigue est constante, décrit Monsieur Haas. Je tousse en permanence, je pleure et il n’y a aucun moyen d’y échapper. Mon appareil respiratoire pour l’apnée du sommeil empire même la situation en m’injectant de la fumée “sous pression” dans les poumons. C’est de la torture. »

La direction de la maison d’arrêt, informée de sa situation, refuse cependant de changer Monsieur Haas de cellule, et affirme qu’ « il n’y a pas de cellule non-fumeur à Agen ». Entre mai 2021 et le 4 juillet 2024, Monsieur Haas était pourtant incarcéré avec un autre non-fumeur. Tout change lorsqu’il est déclassé de son poste à la suite d’une agression par une autre personne détenue : l’administration les déclasse tous les deux et place Monsieur Haas dans une cellule de huit fumeurs, où il doit dormir par terre – avec sa machine respiratoire. Son déclassement est ensuite annulé par la Direction interrégionale des services pénitentiaire (Disp), qui le considère « entaché d’une illégalité interne ». Monsieur Haas est alors reclassé à son poste, mais affecté à la cellule qu’il partage actuellement avec plusieurs fumeurs.

Un premier recours auprès de la Disp est rejeté au motif qu’il lui est déjà arrivé d’acheter des paquets de cigarettes. Mais comme bien d’autres personnes détenues isolées, Monsieur Haas les troque contre un jogging, un tee-shirt ou une coupe de cheveux. Les seules visites qu’il reçoit sont en effet celles de sa visiteuse de prison, qui n’est pas autorisée à lui apporter des affaires. Un autre recours auprès de la Disp est rejeté au motif que la direction de la maison d’arrêt aurait proposé à Monsieur Haas une « cellule non-fumeur mais occupée par des non-travailleurs, ce qui nécessiterait [qu’il] quitte son travail », ce qu’il aurait refusé. Enfin, un recours contestant l’indignité de ses conditions de détention est lui aussi rejeté, le juge estimant que le certificat médical de Monsieur Haas n’évoque « en des termes généraux qu’un risque théorique d’aggravation de sa pathologie », et que son affectation dans une « cellule mixte fumeurs/ non fumeurs » a été prise « de manière équilibrée et proportionnée […] au regard des contraintes propres à la détention ». Et tant pis si la séparation entre fumeurs et non-fumeurs est en principe obligatoire.

Par Zoé F.

Cet article a été publié dans le Dedans Dehors N°125 : Kanaky – Nouvelle-Calédonie : dans l’ombre de la prison