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Responsabilité pénale : vers une énième loi répressive

Au cœur de l’été 2021, le gouvernement a déposé un nouveau projet de loi sur la table du législateur. Examiné à la rentrée à l’Assemblée nationale, il sera étudié par le Sénat mi-octobre.

Comme annoncé depuis de nombreux mois à la suite de l’affaire dite « Halimi », ce projet traite de la responsabilité pénale. Un sujet qui a donné lieu à trois missions parlementaires aux conclusions divergentes. Si les premières recommandaient de ne pas modifier la loi, pointant un risque de « pénaliser la maladie mentale [qui] constituerait une atteinte substantielle aux principes fondamentaux de notre droit pénal relatifs à l’élément intentionnel », le gouvernement a choisi la voie la plus répressive, proposée par la mission d’information flash qui a suivi : il prévoit de maintenir la responsabilité pénale en cas d’abolition du discernement, lorsque l’auteur de l’infraction aurait volontairement consommé une substance psychoactive dans le dessein de la commettre ou d’en faciliter la commission. Un raisonnement étendu en séance plénière par les membres de l’Assemblée nationale aux cas d’altération du discernement : alors qu’elle mène classiquement à une atténuation de responsabilité, et donc à une diminution de la peine, ce ne serait, dans cette situation, plus le cas.

Pour les cas où l’abolition du discernement serait retenue et l’auteur reconnu irresponsable pénalement, le projet de loi crée des infractions autonomes qui pénalisent la consommation volontaire, illicite ou manifestement excessive de substances psychoactives. À une seule condition – déjà floue dans le texte initial et que l’Assemblée nationale a élargie : que la personne ait eu connaissance du fait que cette consommation était susceptible de la conduire à adopter un comportement dangereux pour autrui. Une condition facilement remplie en somme, pour une peine encourue de deux à dix ans de prison, et jusqu’à quinze ans en cas de récidive.

Le gouvernement profite par ailleurs de ce nouveau projet de loi pour proposer d’autres dispositions « de circonstance », qui viennent donner corps aux mesures promises après le décès d’un policier à Avignon. Le texte renforce ainsi la répression des auteurs de violences délictuelles commises contre les forces de sécurité, les membres de leur famille et les personnels administratifs avec lesquels elles travaillent. Ils encourraient désormais jusqu’à dix ans de prison, contre sept actuellement. Au passage, l’exécutif réinjecte dans le texte des dispositions qu’il n’était pas parvenu à faire entrer dans la loi jusque-là. Il reprend ainsi celles relatives à la captation d’images prévues dans la loi dite « Sécurité globale », particulièrement controversées, dont il revoit légèrement la copie après la censure du Conseil constitutionnel en mai dernier. Il prévoit enfin un volet sur les procédures de jugement des mineurs, qui avait été retiré de l’avant-projet de loi relatif à la protection des enfants. Et pour cause : certaines dispositions visent tout particulièrement à faciliter l’incarcération provisoire des mineurs non accompagnés en cas de doute sur leur minorité.

Ces dispositions, proposées en réaction à des faits divers et à l’émotion qu’ils suscitent, viennent – encore – fragiliser les droits fondamentaux et présenter comme dangereuses des personnes vulnérables. Ce projet de loi signe un nouveau durcissement de la politique répressive du gouvernement, marquée par la création de toujours plus de délits, la pénalisation de comportements de plus en plus nombreux et l’accroissement de la sévérité des peines. Et confirme – à l’encontre des principes nationaux et internationaux – la privation de liberté comme peine de référence. Et ce alors que la France est épinglée de toute part pour sa surpopulation carcérale, et appelée par le Comité européen pour la prévention de la torture à « tirer les leçons de l’inefficacité des mesures prises depuis trente ans »(1).

(1) Rapport au Gouvernement de la République française relatif à la visite effectuée en France par le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du 4 au 18 décembre 2019.

par Prune Missoffe