Un mois après sa réouverture le 8 octobre 2009, la centrale d'Arles a été le théâtre de mouvements de protestation contre le régime ultra-sécuritaire qui y a été instauré et qui est sans équivalent à ce jour en France. Une pétition appuyant ces revendications a été signée par une large majorité des détenus incarcérés dans l'établissement.
A plusieurs reprises durant le mois de novembre, les détenus ont refusé de se rendre aux activités et de prendre leur plateau repas. Ils entendaient ainsi mettre en cause l’enfermement en cellule en journée, les fouilles par palpations incessantes en dépit des portiques de détection, les conditions de visite au parloir oppressantes, ainsi que l’encadrement de tous les déplacements par des personnels. Plus d’une trentaine de détenus – l’établissement en compte aujourd’hui quarante-quatre – mettent en outre en cause dans un pétition qu’a consulté l’OIP des mesures sécuritaires « excessives et intolérables » et des « conditions de vie inhumaines et inacceptables ». Ils réclament que « soient respectés [leurs] droits au peu de liberté qui [leur] reste ainsi qu’à [leurs] proches ».
Fermée en 2003 suite aux inondations qui ont touché la ville, la maison centrale a connu à l’occasion de sa remise en état, un renforcement sensible des dispositifs défensifs, correspondant au choix d’en faire une centrale de haute sécurité d’un type nouveau. La plaquette de présentation de l’établissement souligne ainsi que « 4800 mètres de barbelés supplémentaires ont été posés autour des cours de promenade, des barrières électriques ont été installées sur les toits de tous les bâtiments de moins de deux étages (UVF, administration, ateliers) ». Auxquels s’ajoutent de nombreuses caméras, le cloisonnement des quatre bâtiments d’hébergement et un système de circulation destiné à éviter tout contact entre les détenus. Le régime de détention est à l’avenant : privation de toute forme de vie sociale en détention (impossibilité de se rendre dans une cellule voisine pour discuter, prendre des repas en commun…) bien au-delà des restrictions rencontrées habituellement en maisons centrales ; fouilles par palpations à chaque sortie de cellule ; mouvements encadrés s’effectuant par groupe de deux détenus maximum. De même, les conditions de visite des familles ne permettent aucune convivialité, puisqu’elles se déroulent dans des boxes fermés, contrairement à ce qui prévaut en établissement pour peines.
Interrogée par l’OIP, la direction explique que la fermeture des portes des cellules durant la journée permet d’assurer la sécurité des détenus et d’éviter le caïdat et le racket et relevant que « désormais des détenus qui ne sortaient jamais se rendent aux activités ». Elle assure que ce système n’empêche pas les détenus de sortir dans le cadre des activités proposées ou des ateliers. Après avoir reçu les familles et les condamnés et placé le « meneur » à l’isolement, les mouvements collectifs se sont arrêtés, indique-t-elle, confirmant qu’un second détenu a été placé à l’isolement à sa demande, par solidarité avec le détenu isolé d’office. « Il faut bien comprendre que le refus de plateau n’est pas anodin. Pour ceux qui peuvent cantiner, il y a moins de problème. Mais pour les indigents, il pouvait y avoir des répercussions sur la santé des détenus. Il fallait donc mettre fin au mouvement » a-t-elle justifiée. Un autre cadre a tempéré cette affirmation, soulignant qu’il s’agissait d’un «mouvement très pacifique ». Par ailleurs, la direction confirme que, comme la pétition l’indique, une trentaine de demandes de transfert a déjà été présentée, mais objecte qu’il s’agit uniquement d’un acte de protestation qui ne traduit pas la volonté des détenus de quitter l’établissement.
La préfecture, en charge de la commission de surveillance de celui-ci, a de son côté affirmé que ces événements étaient « du ressort de l’administration pénitentiaire » et que « le régime est certes très sécuritaire mais [que] cela résulte du choix d’avoir des centrales de haute sécurité. La maison centrale d’Arles initie ce qui va être appliqué dans les centrales qui ouvriront à l’avenir ». Le directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation assure quant à lui que le « climat est à l’apaisement », que le régime de détention constitue une « garantie de sérénité », et que l’objectif de préparation à la sortie n’était pas compromis par le régime de sécurité, compte tenu « du professionnalisme et de l’humanité de l’encadrement ».
De source judiciaire, on explique pourtant que « la centrale est hyper-sécuritaire, son régime est destiné à limiter au maximum le contact entre détenus. L’ancienne centrale était pour les fins de peine et l’administration a décidé un durcissement du régime et d’y envoyer des détenus d’un profil particulier et a décidé en conséquence des moyens et des stratégies, et donc une détention à portes fermées. Aux activités, ils sont toujours en présence de surveillants, lors des déplacement également. C’est vécu comme un régime insupportable ». « Pour le moment, estime-t-on, ça paraît expérimental, pour voir jusqu’où on peut aller. A ce stade, les autorités ne sont pas inquiètes, la situation est facilement gérée, il y a cinquante détenus pour 140 places et le personnel pénitentiaire semble au complet.» Il est toutefois observé que « La centrale a connu depuis sa réouverture des arrivées de détenus par groupes de 10 chaque semaine, mais cela s’est ralenti ces derniers temps. »
l’OIP rappelle:
– que l’article 10§3 du Pacte international sur les droits civils et politiques stipule que « Le régime pénitentiaire comporte un traitement des condamnés dont le but essentiel est leur amendement et leur reclassement social »
– que le Comité de prévention de la torture du Conseil de l’Europe (CPT) a, en 2003, sévèrement mis en cause la politique de fermeture des portes en maison centrale. Le CPT s’était dit préoccupé par « le durcissement progressif à la maison centrale » visitée « du régime de détention en dehors des périodes d’ateliers et de sport », alors « qu’auparavant, les cellules étaient ouvertes pendant certaines périodes de la journée permettant aux détenus de se déplacer librement au sein d’un même demi-étage d’un quartier ». Il avait recommandé au Gouvernement français de « revoir les régimes de détention » dans les maisons centrales concernées, afin que « les détenus [puissent] être en mesure d’exercer un certain degré de choix sur la manière de passer leur temps ».
– qu’une étude de l’administration pénitentiaire souligne que « les moyens destinés à éviter les évasions sont de plus en plus lourds, tout comme les moyens en interne destinés au maintien de l’ordre : développement d’équipements ad hoc, création des ERIS, de fonctions spécialisées dans le renseignement sécuritaire en interne lesquels, loin de favoriser la « sécurité dynamique » fondée sur des « relations positives » avec les détenus engendrent peur et paranoïa dans l’ensemble des relations ». (Bulletin officiel du ministère de la Justice 2009/1)