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Absence de confidentialité des conversations téléphoniques des détenus du centre pénitentiaire de Rennes-Vezin : le Conseil d’État enfonce le clou

Dans un arrêt du 23 juillet 2014, le Conseil d'Etat confirme la décision du juge des référés du tribunal administratif de Rennes du 23 avril 2014 qui avait enjoint à l'administration pénitentiaire de prendre des mesures pour garantir la confidentialité des appels téléphoniques passés par les détenus du centre pénitentiaire de Rennes-Vezin. La Haute Juridiction rappelle notamment que les personnes détenues ont « le droit de s'entretenir par téléphone avec leurs avocats, de façon confidentielle, tant à l'égard de l'administration pénitentiaire que des autres personnes détenues » et réaffirme la nécessité de prendre des mesures pour sauvegarder ce droit.

A la suite d’une visite du centre pénitentiaire de Rennes-Vezin, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté relevait en décembre 2010 que les téléphones mis à disposition des personnes détenues dans cet établissement étaient placés « à proximité de la grille palière où le bruit est important », obligeant les détenus à « parler fort, voire crier » pour se faire entendre, avec pour conséquence « une atteinte à l’intimité et à la confidentialité lorsqu’on parle à son conjoint ou à son avocat ». En novembre 2012, une expertise sollicitée par un détenu confirmait que ces équipements téléphoniques ne garantissent pas « un minimum de confidentialité » permettant de « s’isoler du bruit ambiant et [de] tenir une conversation privée ».

Aucune mesure n’ayant été prise par l’administration pénitentiaire pour faire cesser cette atteinte au droit à la confidentialité, l’Observatoire international des prisons (OIP) s’est résolu à saisir le juge des référés du tribunal administratif de Rennes, avec l’appui de plusieurs organisations d’avocats*, au mois de mars 2014. Faisant droit à cette requête le 23 avril 2014, le juge des référés a enjoint au directeur du centre pénitentiaire de mettre en œuvre, sous trois mois, toute mesure permettant aux personnes détenues ayant une conversation téléphonique avec leur avocat « de mener celle-ci confidentiellement à l’égard tant de leurs co-détenus que des membres de l’administration pénitentiaire ». La confidentialité des conversations des détenus avec leurs familles devant pour sa part être préservée « à l’égard de leurs co-détenus » (lire l’ordonnance).

Contestée par la ministre de la Justice, l’ordonnance du juge rennais vient d’être confirmée par la plus haute juridiction administrative française. Relevant que la ministre « ne conteste pas que la confidentialité des conversations téléphonique [n’est] pas, en règle générale, garantie » au sein du centre pénitentiaire de Rennes-Vezin, le Conseil d’Etat estime que le juge administratif pouvait, sans commettre d’erreur, considérer qu’il était urgent et nécessaire d’enjoindre à l’administration de prendre des mesures pour garantir la confidentialité des appels des détenus. Pour conclure, la Haute Juridiction écarte l’argument de l’administration sur les obstacles financiers et sécuritaires à l’installation de cabines téléphoniques en détention en relevant que « s’il est indiqué dans les motifs de l’ordonnance que la mise en place de cabines téléphoniques constitue un exemple de mesure envisageable, le juge des référés a laissé à l’administration le soin de mettre en œuvre les mesures adéquates de son choix, compte tenu de ses contraintes » (lire l’arrêt).

Parmi les mesures qui seraient moins coûteuses pour l’administration figurent celle d’autoriser un usage encadré du téléphone portable en prison, comme le réclame notamment depuis des années le Contrôle général des lieux de privation de liberté. Très récemment encore, Adeline Hazan s’est exprimée en faveur d’une telle autorisation, sous réserve de limiter l’usage du téléphone à quelques numéros seulement. « Une réflexion s’impose sur les conditions dans lesquelles [les téléphones portables] pourraient être utilisés » affirmait le Contrôleur général des lieux de privation de liberté dans un avis du 10 janvier 2011. Il est désormais urgent que cette réflexion s’engage.

* Union des jeunes avocats (UJA), Syndicat des avocats de France (SAF), Ordre des avocats du barreau de Rennes.