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Centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe: un détenu transféré à 440 km de sa compagne et de leur bébé demande la prise en charge des frais de visite de sa famille, sans ressources

Depuis son transfert à la prison de Condé-sur-Sarthe en octobre 2013, un détenu n'a pu bénéficier d'aucun parloir avec sa compagne, dont le domicile est situé à 440 km de là. Il n'a vu qu'une fois sa fille, née en février 2014. Le 26 juin, ils ont déposé un recours devant le tribunal administratif de Caen demandant la prise en charge par l'administration pénitentiaire des frais de visite.

Axel et Jasmine sont en couple depuis mars 2012. Alors qu’Axel était détenu au quartier maison centrale d’Annœullin, ils bénéficiaient de parloirs et de visites régulières en Unités de vies familiales (UVF). Ils ont eu ensemble une petite fille, née le 24 février 2014. À la suite d’un incident disciplinaire, l’administration a transféré Axel au centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe, distant de plus de 440 km de Maubeuge où habite sa compagne, portant ainsi gravement atteinte au maintien de leurs liens familiaux.

Pour se rendre à Condé-sur-Sarthe, Jasmine doit prendre trois trains différents, un trajet qui dure plus de sept heures. Or, elle souffre de la maladie de Crohn, « une affection médicale nécessitant des soins continus et contre-indiquant les déplacements fréquents et de longue distance » selon un certificat médical. Par ailleurs, des difficultés financières l’empêchent de prendre en charge les frais de transport et d’hébergement sur Condé-sur-Sarthe qui s’élèvent au minimum à 220 euros pour une visite : Jasmine est au chômage et ne perçoit qu’une indemnité mensuelle d’environ 600 euros. En raison de l’éloignement géographique, Axel n’a pu voir sa compagne durant toute sa grossesse. Il n’a été autorisé qu’une seule fois à sortir sous escorte pour voir le nouveau-né à l’hôpital, le 27 février 2014, durant une heure environ. Depuis, il n’a revu ni sa fille ni sa compagne.

Dès son arrivée au centre pénitentiaire de Condé-sur-Sarthe, le 21 octobre 2013, Axel a demandé son transfert vers le centre pénitentiaire de Maubeuge ou vers tout autre établissement proche du domicile de Jasmine. Mais il lui a été indiqué qu’au mieux, il obtiendrait un transfert à la maison centrale de Clairvaux… située à 320 kilomètres de son domicile. Interrogée par l’OIP sur les mesures prises pour favoriser le rapprochement familial d’Axel, l’administration pénitentiaire n’a apporté aucune réponse.

Cette situation ne manque pas d’avoir de graves répercussions sur l’équilibre psychologique d’Axel et de sa compagne. Le 8 novembre 2013, Axel a créé volontairement un incident en refusant de sortir d’une salle d’activité pour être placé au quartier disciplinaire qu’il a bloqué durant plus d’un mois dans l’espoir d’être transféré. Sans résultat. « Je n’ai pas de parloir, ma femme ne peut pas venir, cela va faire six mois que je ne l’ai pas vue. Je n’ai qu’une seule demande, c’est de maintenir le lien familial. Pour préparer ma réinsertion, c’est la chose la plus essentielle », indiquait-il en décembre 2013.

Le maintien des liens familiaux est un droit fondamental, mais aussi un facteur indispensable de réinsertion. À défaut pour l’État de pouvoir garantir le rapprochement familial, il doit assumer la possibilité à la famille de rendre visite à son proche incarcéré. D’autres pays, comme l’Angleterre, ont mis en place des programmes d’assistance financière aux parents de détenus incarcérés indigents ou rencontrant des difficultés particulières.

En désespoir de cause, le 14 mai 2014, Axel a formulé une demande écrite à la direction de l’établissement pour que les frais de sa compagne et de sa fille dans le cadre de leur visite soient pris en charge par l’administration pénitentiaire. Le 19 mai 2014, la direction a opposé une fin de non recevoir affirmant qu’ « il n’est pas prévu que l’établissement finance les déplacements de votre famille afin que celle-ci vous rende visite ». C’est cette décision que ses avocats viennent de contester devant le tribunal administratif de Caen.

L’OIP rappelle :

– L’article 8 de la Convention européenne des droits de l’Homme (CEDH) qui prévoit que « 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale […] ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu’elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale […] »

– La règle pénitentiaire européenne n° 17-1 : « Les détenus doivent être répartis autant que possible dans des prisons situées près de leur foyer ou de leur centre de réinsertion sociale ».

– La jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme qui rappelle que « bien que toute détention régulière entraîne par sa nature une restriction à la vie privée et familiale de l’intéressé, il est cependant essentiel au respect de la vie familiale que l’administration pénitentiaire et les autres autorités compétentes aident le détenu à maintenir un contact avec sa famille proche » (Messina c. Italie (no 2), no 25498/94, § 61, CEDH 2000-X)

– La proposition de Loi du 20 septembre 2011, déposée au Sénat par un groupe de sénateurs : « Article 1. Les détenus condamnés doivent être incarcérés dans l’établissement pénitentiaire le plus proche de leur domicile familial. Dans le cas où la condition de rapprochement familial des détenus n’est pas respectée, l’État prend en charge les frais supportés par les membres de la famille à l’occasion de leur visite au détenu ».

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