Dans une ordonnance du 14 décembre 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Guyane constate que des mesures qu’il avait ordonnées en 2019 pour sauvegarder la dignité des personnes détenues au centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly ont tardé à être exécutées par l’administration.
Saisi par l’OIP, le juge des référés du tribunal administratif de Guyane avait, dans une décision du 19 février 2019, conclu à l’indignité des conditions de détention au centre pénitentiaire de Remire-Montjoly. En particulier, il avait constaté que les toilettes des cellules étaient insuffisamment cloisonnées et avait prescrit à l’administration de remédier à cette atteinte à l’intimité des personnes incarcérées. Par ailleurs, il avait constaté que certaines personnes détenues n’utilisaient pas les douches situées dans les cours de promenade car elles craignaient de s’y rendre compte tenu du climat de violence régnant dans ces cours. Or le personnel, en sous-effectif, refusait de leur donner accès aux douches vétustes situées dans les bâtiments. Le juge des référés avait ainsi ordonné à l’administration « de garantir l’effectivité de l’accès à des sanitaires intérieurs en état satisfaisant de propreté aux détenus ne souhaitant pas utiliser les douches extérieures ».
Une visite inopinée du centre pénitentiaire de Rémire le 26 septembre dernier par le député Jean-Victor Castor a permis d’établir que ces injonctions n’avaient pas été pleinement exécutées. L’OIP a donc saisi à nouveau le juge des référés du tribunal administratif de Guyane de la situation de l’établissement. Dans une ordonnance du 14 décembre 2022, celui-ci souligne que « l’absence de cloison séparant dans chaque cellule les toilettes du reste de la cellule est particulièrement attentatoire à la dignité des détenus », et estime « profondément regrettable » que « la procédure pour la passation d’un marché de travaux pour (…) procéder au cloisonnement des sanitaires par la pose de portillons » n’ait été lancée par l’administration qu’en 2022, soit trois ans après sa précédente décision. Dans l’attente de l’achèvement des travaux programmés, le juge des référés ordonne à cette dernière de « scrupuleusement veiller au bon état des rideaux mis en place dans chaque cellule jusqu’au cloisonnement des sanitaires, et à leur remplacement le cas échéant. » A ce propos, il note que, si « 300 rideaux de douche ont été achetés par le centre pénitentiaire au mois de décembre 2019 en sorte d’isoler les toilettes du reste de l’espace des cellules », cette mesure n’a été prise que « plusieurs mois après la décision rendue [en référé] le 4 avril 2019 ».
Le juge des référés relève par ailleurs qu’une cinquantaine de personnes détenues n’accède toujours pas « aux sanitaires intérieures » et que certaines d’entre elles « fabriquent des douches de fortune dans leurs cellules ». Soulignant que la situation dénoncée en 2019 a perduré en dépit de l’injonction qu’il avait prononcée, le juge des référés estime qu’« il y a lieu de constater à nouveau la nécessité de permettre à ces détenus, par des instructions données en ce sens au personnel de surveillance d’accéder à la demande à des locaux sanitaires intérieurs répondant à des conditions suffisantes d’hygiène et de salubrité ». Il prend cependant acte de ce que la directrice de l’établissement a enfin pris une note de service, « datée du 13 décembre 2022, soit le jour de l’audience, fixant les nouvelles modalités de l’accès aux douches intérieures. »
C’est la troisième fois, au cours des douze derniers mois que la justice constate l’inexécution ou l’exécution tardive par l’administration d’injonctions prononcées en urgence par le juge des référés pour sauvegarder les droits fondamentaux des personnes incarcérées. Le 24 décembre 2021, le Conseil d’État concluait à l’inexécution partielle d’une ordonnance de référé rendue sur recours de l’OIP près de cinq ans plus tôt à propos des conditions de détention au centre pénitentiaire de Fresnes. De même, dans une décision du 11 février 2022, la Haute Juridiction a constaté que plusieurs mesures qui avaient été ordonnées en référé deux ans plus tôt, également sur recours de l’association, pour améliorer les conditions de détention au centre pénitentiaire de Nouméa n’avaient toujours pas été mises en œuvre par l’administration.
Une nouvelle fois, l’OIP dénonce donc avec force la résistance de l’administration à l’application des décisions de justice qui lui ordonnent d’agir en urgence pour remédier aux traitements dégradants subis par les personnes détenues du fait de leur conditions matérielles d’incarcération.