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CP de Lannemezan: une personne détenue atteinte de plusieurs pathologies graves et invalidantes voit sa demande de suspension de peine pour raison médicale rejetée faute d’expertises médicales concordantes

En dépit des nombreuses pathologies dont il est atteint, dont un cancer des poumons pour lequel il a subi une pneumonectomie (ablation complète d'un poumon), la demande de suspension de peine pour raisons médicales formulée par N.M., incarcéré au centre pénitentiaire de Lannemezan, a été rejetée par le tribunal de l'Application des peines de Tarbes (Hautes-Pyrénées). Le jugement, rendu le 25 juin 2010, se base sur deux des trois expertises médicales demandées par le tribunal dans lesquelles les experts ont considéré que l'état de santé de N.M. n'était pas durablement incompatible avec un maintien en détention.

Incarcéré depuis septembre 1997 en exécution d’une peine de réclusion criminelle prononcée en 1999, N.M. présente des antécédents cardiaques associés à une broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO) et à une hypertension artérielle.

En janvier 2009, il s’est vu diagnostiquer un cancer des poumons pour lequel il a fait l’objet d’une ablation complète du poumon droit en mai 2009 et d’une chimiothérapie complémentaire de quatre cycles débutés en juin 2009 au centre pénitentiaire de Lannemezan.

Lors de la 3ème cure de chimiothérapie en juillet 2009, N.M. a présenté un choc sceptique sévère secondaire à la chimiothérapie qui a nécessité une première hospitalisation en urgence dans le service de réanimation polyvalente du Centre hospitalier de Bigorre pendant plusieurs semaines, puis une seconde en août, suivie d’une hospitalisation à l’unité hospitalière sécurisée interrégionale (UHSI) de Toulouse. Son pronostic vital étant alors engagé à court terme, N.M. a sollicité le bénéfice d’une suspension de peine pour raisons médicales.

Mais le 25 juin 2010, le tribunal de l’application des peines de Tarbes a rejeté sa demande en l’absence d’expertises médicales concordantes établissant que N.M. est atteint d’une pathologie engageant le pronostic vital ou que son état de santé est durablement incompatible avec le maintien en détention. Si le premier expert a considéré que N.M. « est atteint d’une pathologie engageant le pronostic vital », les deux autres ont conclu que « l’état de santé de N.M. n’était pas incompatible avec une incarcération en milieu ordinaire », concédant cependant qu’une rechute de son cancer bronchique pouvant engager son pronostic vital « dans l’avenir » était probable.

Pourtant, l’état de santé de N.M. s’avère durablement et irrémédiablement dégradé. Depuis l’ablation d’un de ses poumons, il souffre d’une insuffisance respiratoire chronique évaluée entre 40 et 50%, un état « définitif et susceptible d’aggravation ». Il présente, « selon les recommandations internationales et celles de l’INCA [institut national du cancer] », un taux de survie à 5 ans de l’ordre de 20%, « sans prendre en compte la comorbidité cardiaque de M. [N.M.] qui grève encore le pronostic » relève l’un des experts. Le choc septique qu’il a subi en juillet 2009 lui a également engendré une insuffisance rénale chronique.

Bénéficiant depuis près d’un an de l’allocation adulte handicapé (AAH), N.M. est affaibli et doit vivre avec des difficultés respiratoires importantes. Présentant une gêne constante dans la réalisation de tous les actes de la vie quotidienne, il se retrouve dans l’incapacité de réaliser un effort même modéré et ne peut plus travailler. Pour justifier la compatibilité de son état de santé avec un maintien en détention, les experts ont estimé qu’il pouvait bénéficier d’un suivi régulier par le service médical de la prison. Aucune considération n’a été portée au fait que la permanence des soins ne soit pas assuré par ce service médical, ni à ses conditions de vie en détention.

L’OIP rappelle :

– que la Cour européenne des droits de l’homme, qui considère que « l’état de santé, l’âge et un lourd handicap physique constituent désormais des situations pour lesquelles la question de la capacité à la détention est aujourd’hui posée au regard [de l’interdiction des traitements inhumains posée à l’article 3 de la Convention]», a déjà condamné la France à deux reprises pour avoir maintenu en prison des condamnés dont l’état de santé était incompatible avec la détention (CEDH Mouisel c.France, 14 novembre 2002 et Rivière c. France, 11 juillet 2006)