Les 10 et 17 avril 2015, deux personnes détenues signalées comme suicidaires se sont donné la mort à la maison d’arrêt de Grenoble-Varces. Ces deux décès en l’espace d’une semaine font suite à une série de cinq autres suicides enregistrés dans des prisons de Rhône-Alpes en un mois.
L’un des deux détenus décédés à Varces avait 74 ans. Il se serait auto-strangulé dans son lit à l’aide de sa ceinture, le jour-même de son placement en détention provisoire. Mis en examen pour une affaires de mœurs sur mineurs, il avait déjà tenté de mettre fin à ses jours au tribunal, en déchirant une partie de sa chemise pour en faire une corde. Ce qui n’avait pas empêché le juge d’instruction, avisé de cette tentative de suicide, de requérir un placement en détention provisoire et le juge des libertés et de la détention de la prononcer. Il semble que l’incarcération ait même été décidée pour prévenir tout risque de suicide alors que « plusieurs études ont montré que l’incarcération était un moment à risque élevé » (Institut national d’études démographiques, 2014).
Les magistrats avaient néanmoins alerté « du risque suicidaire important » de ce prévenu dans la notice individuelle remise à l’administration pénitentiaire, ajoutant « qu’aucun élément vestimentaire permettant au détenu de se porter atteinte ne [devait] être laissé en sa possession » (communiqué de la commission pénale du barreau de Grenoble, 23 avril 2015). Il a néanmoins mis fin à ses jours quelques heures après sa mise sous-écrou, à l’aide d’une ceinture.
Une semaine plus tard, le 17 avril, un jeune homme de 24 ans était retrouvé pendu en cellule dans la même maison d’arrêt. En détention provisoire depuis bientôt deux ans, il avait récemment été signalé « comme souffrant psychologiquement » et faisait l’objet d’une surveillance particulière (communiqué du barreau). Ces mesures de surveillance spéciale peuvent « consister en une multiplication des rondes » (note DAP 2009) s’accompagnant à chaque passage d’un contrôle visuel à l’œilleton avec éclairage de la cellule. Une « dotation de protection d’urgence » ou « kit antisuicide » peut également être attribuée à un détenu en crise suicidaire, composée de deux couvertures indéchirables, d’un pyjama à un usage unique, d’un gant et d’une serviette de toilette déchirables, ainsi que d’un matelas résistant au feu. Enfin un codétenu « choisi avec le plus grand discernement » peut être affecté dans la même cellule que le détenu suicidaire et une prise en charge médicale peut également être initiée en cas de troubles psychologiques.
Alors que la France est régulièrement pointée du doigt pour sa sursuicidité carcérale, la prévention du suicide en prison reste pilotée par l’administration pénitentiaire, tandis qu’elle est dirigée par les autorités sanitaires dans d’autres pays européens. Or, l’administration pénitentiaire privilégie des méthodes visant à empêcher le passage à l’acte suicidaire, dont certaines aggravent nécessairement l’état de santé mentale des personnes concernées, comme le fait d’être réveillé au moins toutes les deux heures chaque nuit. Le passage à l’acte est appréhendé comme un « incident », au même titre qu’une infraction au règlement, alors qu’une approche de santé publique intervient davantage sur les multiples causes qui peuvent amener une personne à mettre fin à ses jours.
Ces deux décès survenus en l’espace d’une semaine à la maison d’arrêt de Varces font suite à une série de cinq autres suicides enregistrés dans des prisons de Rhône-Alpes en un mois. Entre le 13 mars et le 11 avril, trois hommes se sont ainsi donnés la mort à la maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône, un troisième à la maison d’arrêt de La Talaudière (Saint-Etienne) et une femme a mis fin à sa vie en s’immolant par le feu à la maison d’arrêt de Lyon-Corbas.
Au moins quatre des sept détenus décédés étaient en détention provisoire. Un phénomène pointé dans une étude de l’INED, qui précise que« les prévenus se suicid[ent] plus que les condamnés ». Si le taux de suicide en prison est légèrement en baisse ces deux dernières années (14,39 pour 10 000 détenus en 2013 et 13,79 en 2014), il reste sept fois plus élevé qu’en milieu libre et « près de la moitié des décès survenus dans les prisons françaises sont des suicides » (INED, 2014).
L’OIP rappelle :
- Le caractère exceptionnel de la détention provisoire : « Toute personne mise en examen, présumée innocente, demeure libre. […] A titre exceptionnel, si les obligations du contrôle judiciaire ou de l’assignation à résidence avec surveillance électronique ne permettent pas d’atteindre ces objectifs, elle peut être placée en détention provisoire ». Article 137 du code de procédure pénale.
- Une politique de prévention du suicide n’est « légitime et efficace » que dans la mesure où « elle cherche, non à contraindre le détenu à ne pas mourir, mais à le restaurer dans sa dimension de sujet et d’acteur de sa vie ». Circulaire du 29 mai 1998 JUSE9840034C.