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Fouilles à nu : le Défenseur des droits demande la sanction d’un directeur de prison

Dans une décision du 23 février 2017, le Défenseur des droits (DDD) recommande que des poursuites disciplinaires soient engagées à l’encontre de l’ancien directeur du centre pénitentiaire de Fresnes, Monsieur Stéphane Scotto. Il lui est reproché d’avoir refusé d’exécuter plusieurs décisions de justice qui lui ordonnaient de ne plus soumettre les personnes détenues dans cet établissement à un régime de fouilles intégrales systématiques à l’issue des parloirs.

©Grégoire Korganow

Entre 2011 et 2013, l’OIP lançait une vaste campagne contentieuse pour faire cesser la pratique dégradante des fouilles à nu systématiques imposées aux détenus à leur sortie des parloirs. Bien que contraire à l’article 57 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009, elle n’en était pas moins très répandue dans les prisons françaises. Une dizaine de chefs d’établissements ont ainsi été contraints par la justice de suspendre l’application de ces régimes de fouilles systématiques (1). Parmi eux, M. Stéphane Scotto s’est distingué par son refus persistant et assumé de se plier aux injonctions des juges.

Entre juillet 2012 et mai 2013, en effet, le juge des référés du tribunal administratif de Melun a ordonné à trois reprises la suspension du régime de fouilles intégrales systématiques qui était pratiqué à l’issue des parloirs de la prison de Fresnes… Sans effet, puisqu’après chaque décision de justice, M. Scotto édictait une note de service rétablissant le régime de fouilles qui venait s’être suspendu. Relevant « la carence persistante de l’administration à exécuter [les ordonnances précédemment rendues] » le juge des référés rappelait, dans ses décisions du 29 mars et du 4 mai 2013, que la pratique des fouilles intégrales systématiques était contraire à l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) qui prohibe les traitements attentatoires à la dignité humaine.

Saisi par l’OIP, le Défenseur des droits relève dans sa décision du 23 février 2017 que l’administration pénitentiaire doit s’acquitter de ses missions « dans le respect de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, de la Constitution, des conventions internationales, notamment la Convention européenne des droits de l’homme, et des lois et règlements ». Elle doit, en particulier garantir la « juste et loyale exécution des décisions de justice » et agir dans « le respect des personnes et de la règle de droit ». Or, constate le DDD, le directeur du centre pénitentiaire de Fresnes « a bien fait, à trois reprises, obstacle au caractère exécutoire des ordonnances de suspension ». Et « a commis une faute, en ne modifiant pas le régime de fouilles intégrales suivant les prescriptions, réitérées à trois reprises, du juge des référés ». L’autorité de contrôle recommande donc l’engagement de poursuites disciplinaires contre M. Scotto, pour manquement aux règles élémentaires de déontologie.

L’OIP salue cette décision du Défenseur des droits et attend qu’elle soit mise en œuvre par le ministre de la Justice.

Mais l’association entend également rappeler que la pratique illégale des fouilles à nu systématiques, reprochée à M. Scotto, était largement tolérée, voire encouragée par sa hiérarchie. Alors que les condamnations en justice s’enchaînaient depuis fin 2011 dans le cadre de la campagne contentieuse lancée par l’OIP, le Défenseur des droits « déplore que la direction de l’administration pénitentiaire (DAP) n’ait pas pris plus tôt la mesure de l’incidence de ces recours ». Et qu’il ait fallu attendre les mois de juin et novembre 2013 pour que la DAP et le ministère de la Justice demandent aux services pénitentiaires de respecter l’article 57 de la loi pénitentiaire. De plus, loin de s’attaquer à ces pratiques illégales, le ministre de la Justice Jean-Jacques Urvoas a décidé d’assouplir l’encadrement légal des fouilles lors du vote de la loi du 3 juin 2016 en déposant un amendement en ce sens. Faisant fi du principe d’individualisation des fouilles posée par la jurisprudence, cet amendement autorise en effet les fouilles à nu « dans des lieux et pour une période de temps déterminés, indépendamment de la personnalité des personnes détenues ». Qualifiée de « régression importante » par la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), cette réforme n’a pas simplement ouvert une brèche permettant un retour des fouilles à nu systématiques dans certaines hypothèses. Elle est également le témoignage de la tolérance, voire du soutien, que l’autorité hiérarchique a toujours montré à l’égard du recours massif et dans certain cas illégal aux fouilles intégrales en détention par les services pénitentiaires.

Malgré cet assouplissement du cadre légal, la pratique des fouilles illégales continue à Fresnes. A l’issue de sa visite de l’établissement, le CGLPL dénonçait en décembre dernier que « le recours aux fouilles à corps fait l’objet de pratiques locales qui violent les droits des personnes détenues et ne sont pas conformes à la loi »(2).

Contact presse : Pauline De Smet – 01 44 52 88 00 / 07 60 49 19 96.

 

1. Bourg-en-Bresse, Fleury-Mérogis, Fresnes, Meaux, Nancy-Maxeville, Oermingen, Poitiers-Vivonne, Rennes, Salon-de-Provence.

2. Recommandations en urgence du 18 novembre 2016 du CGLPL relatives à la maison d’arrêt des hommes du centre pénitentiaire de Fresnes.

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