Le droit au maintien d’une vie privée et familiale est un droit fondamental reconnu aux prisonniers. Pour une catégorie de personnes incarcérées en détention provisoire, la loi reste pourtant silencieuse tant sur les motifs possibles de refus de permis de visite que sur les voies de recours ouvertes contre ces décisions. Idem pour les autorisations de téléphoner. Après cinq ans de bataille judiciaire, le Conseil constitutionnel, saisi par l’OIP d’une question prioritaire de constitutionnalité a, le 24 mai dernier, reconnu que l’absence de recours effectif contre les décisions de l’autorité judiciaire était contraire à la constitution.
Au 1er mai 2016, on comptait 19 628 prévenus dans les prisons françaises, soit près d’un tiers de la population carcérale. Si la législation leur reconnaît le droit de maintenir des liens avec leur entourage personnel et familial, notamment par le biais des visites ou du téléphone, elle ne prévoit dans la plupart des cas aucun recours contre les décisions de refus de permis de visite ou d’autorisation de téléphoner par les autorités judiciaires. Dans le silence des textes, et en l’absence de tout contrôle, des pratiques particulièrement contestables et arbitraires, se sont multipliées. Comme le refus systématique de laisser de jeunes enfants accéder à un établissement pénitentiaire au prétexte de les protéger du choc que peut provoquer une rencontre avec le milieu carcéral, problème que l’OIP dénonçait déjà dans la presse en 2004. Ou de la position actuelle du Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris qui estime que « la délivrance de permis de visite (…) se limite uniquement à la famille jusqu’au 2e degré de parenté (parents, grands-parents, frères sœurs et enfants, conjoints et concubins pacsés) » alors qu’aucun texte ne prévoit une telle restriction.
Souscrivant aux critiques formulées par l’OIP, le Conseil constitutionnel constate que les articles 145-4 du Code de procédure pénale et 39 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 méconnaissent « le droit à un recours juridictionnel effectif ». Ce faisant, ces dispositions « prive[nt] également de garanties légales la protection constitutionnelle du droit au respect de la vie privée et du droit de mener une vie familiale normale » des personnes placées en détention provisoire.
Après plusieurs années de procédures contentieuses engagées par l’OIP, mais aussi d’alertes adressées aux pouvoirs publics et aux parlementaires pour signaler et dénoncer les carences de ce cadre légal, le rappel à l’ordre du Conseil constitutionnel était à la fois attendu et nécessaire. Car si le gouvernement a, il y a quelques semaines, introduit en toute hâte, dans le projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé, des dispositions visant à pallier ces carences, cette modification législative ne s’est opérée que parce que pesait l’ombre de la condamnation constitutionnelle. De l’aveu même du ministre de la Justice devant le Sénat le 31 mars dernier, cet amendement a été présenté « afin de prendre en compte une question prioritaire de constitutionnalité dont le Conseil constitutionnel est actuellement saisi ».
Une fois encore, devant l’inertie des pouvoirs publics et du législateur, il aura fallu recourir à l’action judiciaire pour garantir le respect des droits fondamentaux des personnes détenues.