Publiés tous les mois, les taux d’occupation des prisons occultent systématiquement un élément essentiel : les taux spécifiques aux quartiers hommes. Dans ces quartiers, la surpopulation est encore plus affolante que ce que laissent croire les chiffres communiqués par l’administration.
Tous les mois, la direction de l’administration pénitentiaire (Dap) rend public le nombre de personnes détenues dans chaque établissement pénitentiaire, le nombre de places disponibles, et le taux d’occupation qui en résulte. Des chiffres qui traduisent souvent une surpopulation carcérale alarmante, mais qui sont en réalité biaisés. En effet, les taux d’occupation des quartiers réservés aux hommes majeurs ne sont pas communiqués. Les moyennes, publiées par type de quartier (quartier maison d’arrêt ou quartier centre de détention notamment), incluent les places des quartiers femmes, mineurs et, dans certains cas, de semi-liberté[1]. Or, ceux-ci sont rarement pleins, contribuant mathématiquement à faire baisser le taux d’occupation global.
Ainsi, à la maison d’arrêt de Chambéry, l’administration pénitentiaire annonce, au 1er janvier 2022, une capacité opérationnelle de 86 places pour 124 détenus – soit un taux d’occupation de 144%. Il convient cependant de retrancher à ces chiffres 30 places de semi-liberté – et les 20 détenus bénéficiant de ce régime – pour obtenir le chiffre réel de la situation des hommes en maison d’arrêt : un taux d’occupation de plus de 180%.
Appliqué à toutes les prisons, et notamment aux maisons d’arrêt, le calcul des taux réels donne le vertige : plus 38 points au quartier maison d’arrêt des hommes de Limoges, où le taux d’occupation passe de 174,2 à 212,2%. Plus 50 à Lorient, où l’on passe de 154% à 206,5%. Plus 32 à Tarbes, pour atteindre un taux de 217%, au lieu des 185 affichés. À Perpignan, la barre des 250% est dépassée.
Ainsi, au 1er janvier 2022, dix quartiers connaissaient des taux d’occupation supérieurs à 200%, et non pas cinq, comme indiqué par la Dap : Bordeaux-Gradignan, Tulle, Limoges, La Roche-sur-Yon, Lorient, Foix, Carcassonne, Nîmes, Perpignan et Tarbes.
Ces lacunes dans les statistiques officielles sont dénoncées de longue date. Un représentant local du syndicat pénitentiaire Force ouvrière affirme ainsi réclamer depuis des années que ces chiffres soient publiés. « Les agents qui travaillent dans des établissements surencombrés touchent une prime, or cette prime se base sur les statistiques officielles de la Dap, et non sur les chiffres réels par quartier – qui sont pourtant transmis quotidiennement au tribunal et à la DISP [direction interrégionale des services pénitentiaires]. Or, si on fait baisser artificiellement le taux de surpopulation, on fait baisser le nombre de primes », explique-t-il.
Alors que la France a été condamnée par la Cour européenne des droits de l’homme en janvier 2020 pour sa surpopulation carcérale et les traitements inhumains et dégradants auxquelles elle soumet les personnes détenues, l’OIP demande la publication de chiffres mensuels transparents sur l’occupation réelle des quartiers hommes des établissements pénitentiaires.
Contact presse : Pauline De Smet · 07 60 49 19 96
[1] Si certains quartiers de semi-liberté sont comptés à part dans les statistiques officielles, la majorité d’entre eux sont inclus dans les chiffres relatifs aux maisons d’arrêts. Or, ces quartiers restent majoritairement sous occupés, avec une moyenne de 65% d’occupation à l’échelle nationale.