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Maison d’arrêt de Corbas : à l’isolement à cause de l’impossibilité d’assurer son encellulement individuel en détention ordinaire

Ce mercredi 27 mars 2013, Edgar G. a déposé un référé-liberté devant le tribunal administratif de Lyon pour obtenir la suspension de la mesure d'isolement prise à son encontre. Non seulement cette décision ne fait état d'aucun risque d'« incidents graves » de sa part contrairement à la réglementation, mais elle est en outre motivée par la nécessité de pallier à « la surpopulation actuelle de l'établissement » qui ne permet pas à l'intéressé d'être placé « en cellule individuelle ».

Ce mercredi 27 mars 2013, l’avocat d’Edgar G. a déposé un référé-liberté devant le tribunal administratif de Lyon pour obtenir la suspension de la mesure d’isolement dont celui-ci fait l’objet depuis le 18 mars 2013, dès son arrivée à la maison d’arrêt de Corbas.

Dans sa décision prise le 22 mars 2013, alors qu’il était déjà placé à l’isolement provisoire, la direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP) de Lyon invoque notamment « la surpopulation actuelle de l’établissement » qui ne permet pas à l’intéressé d’être placé « en cellule individuelle ». Contactée par l’OIP le 27 mars 2013, la direction interrégionale précise que ce motif n’est « qu’un des arguments » qui ont justifié la mesure, rappelant qu’Edgar G. va comparaître aux assises pour une affaire d’évasion « médiatisée » dans laquelle il est accusé d’être complice et que sa gestion pose des « questions de sécurité ». Pourtant, les autres motifs invoqués dans la procédure ne visent aucun risque précis d’atteinte à la sécurité, l’administration se bornant à relever « l’importance du procès » qui rend nécessaire « une vigilance particulière » à l’égard de l’intéressé et « la médiatisation des faits susceptibles de perturber l’ordre de l’établissement en cas d’affectation en détention ordinaire ».

Interrogée sur ce point, la direction interrégionale indique ne pas savoir si la mesure d’isolement aurait été prise si la maison d’arrêt de Corbas n’était pas autant suroccupée. Cependant, d’autres fonctionnaires de l’administration pénitentiaire confirment que le taux de suroccupation est tel au sein de l’établissement (879 personnes incarcérées pour 690 « places » au 1er février 2013) que l’encellulement individuel y est une « denrée rare ». Ils précisent qu’est privilégié le placement seul en cellule des personnes présentant un risque « d’hétéro-agressivité » ou faisant l’objet d’une prescription médicale spécifique (par exemple, appareil respiratoire bruyant). Un agent explique que la surpopulation pose, avec un nombre de personnels constant, des problèmes de surveillance lors des « mouvements » (déplacements des prisonniers en détention) : il « peut arriver » que des mesures d’isolement soient décidées même si elles ne sont « pas justifiées par la personnalité du détenu », si la « surpopulation rend difficile le maintien de la sécurité ».

C’est donc l’impéritie des pouvoirs publics à régler le problème de la surpopulation qui conduit l’administration à imposer des mesures restrictives à certains détenus.

Pour relativiser l’impact de la mesure imposée à Edgar G., la direction interrégionale indique qu’il retournera « rapidement » dans son établissement d’origine (dans lequel il ne fait l’objet d’aucune mesure d’isolement) à l’issue du procès et qu’au cours de celui-ci il sera extrait au palais de justice, ne subissant les effets de la mesure « que pendant les week-ends ». L’intéressé doit pourtant supporter l’isolement dans la période critique de préparation de sa défense qui précède son procès. Un personnel de la maison d’arrêt indique d’ailleurs que le quartier d’isolement de l’établissement est excentré par rapport au reste de la détention et que les isolés subissent un « double isolement », certaines personnes le vivant « très mal ».

Dans son rapport de visite de la maison d’arrêt en 2009, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté rapporte que les isolés de Corbas « se plaignent de leurs conditions de détention en parlant de « torture blanche »: les rapports humains ont pratiquement disparu dans un univers froid, en béton et complètement aseptisé où l’on communique par interphone ; les cours se situant à l’étage, ils ne « savent » plus à quoi ressemble la terre ; quant au ciel, ils l’aperçoivent difficilement à travers des barreaudages et du métal déployé, y compris en cour de promenade ». Dans le cadre de la procédure, Edgar G. a expliqué ne pas « supporter cette mesure qui l’affecte psychologiquement ».

Tant la direction locale qu’interrégionale rappellent que l’intéressé « peut tout à fait exercer un recours » contre la décision. Mais la direction interrégionale reconnaît que vu les délais, quand le juge aura statué, la mesure sera « déjà terminée ». A moins que le tribunal administratif ne se prononce dans le cadre du référé-liberté.

L’OIP rappelle :

– que l’isolement est une mesure « de protection ou de sécurité » (article 726-1 du code de procédure pénale) qui doit « procéder de raisons sérieuses et d’éléments objectifs et concordants » permettant « de redouter des incidents graves de la part de la personne détenue concernée ou dirigés contre elle » (circulaire du 14 avril 2011 relative au placement à l’isolement des personnes détenues) ;

– que si des faits d’évasion ou de tentatives d’évasion, même répétées, peuvent justifier un temps une mesure d’isolement, ils cessent d’être un motif suffisant à la mesure en l’absence d’éléments actuels faisant redouter une réitération des faits ou la « dangerosité particulière » de l’intéressé (TA Paris, 18 avril 2008, Bruno B. ; 15 mars 2007, Cyril K. ; 12 mai 2005, Abdelhamid H. ; 17 décembre 2009, Hubert S.) ;

– que « la circonstance que certains établissements pénitentiaires ne soient pas suffisamment adaptés à l’accueil des détenus les plus dangereux n’autorise cependant pas le ministre de la Justice, à prolonger le placement à l’isolement de ces détenus en l’absence d’éléments circonstanciés de nature à établir l’existence d’un risque avéré pour la sécurité des personnes ou l’ordre interne » (TA Paris, 18 avril 2008, Bruno B., n°0606780/7, 0606781/7, 0710665/7).