Dans la prison surpeuplée de Lyon-Corbas, le manque de généralistes restreint sévèrement l’accès aux soins du millier de personnes détenues. Une situation particulièrement tendue depuis le départ de trois médecins après l’agression verbale de l’un d’eux par un surveillant, en mai 2023.
L’unité sanitaire de la maison d’arrêt de Lyon-Corbas est en crise : les alertes se multiplient sur l’accès aux soins des détenus dans cette prison de 678 places occupée à 158,8 %. L’Observatoire international des prisons (OIP) a récemment été saisi par deux personnes incarcérées, l’une témoignant avoir du mal à être reçue en consultation pour une infection qui s’aggravait, et l’autre ne pouvant bénéficier de béquilles ou d’un fauteuil roulant malgré d’importantes difficultés à se déplacer.
Cela fait plusieurs semaines que le suivi médical des détenus de Lyon-Corbas repose largement sur un seul généraliste, épaulé d’infirmiers. Ce dernier consacre par ailleurs une demi-journée par semaine à l’établissement pénitentiaire pour mineurs de Meyzieu. Contactée par l’OIP, la cheffe des urgences de l’hôpital de Lyon auquel il est rattaché assure qu’un autre médecin intervient « en renfort » deux jours par mois cet été, et que des recrutements ont été lancés pour août et septembre. Elle ajoute être elle-même régulièrement présente dans le service pour « consolider les procédures », « valider le planning » et organiser « des réunions de relecture de dossiers ».
Dans une lettre ouverte reçue par l’OIP début juillet, onze psychiatres intervenant dans les prisons de Lyon-Corbas, de Meyzieu et de Saint-Quentin-Fallavier dépeignaient quant à eux « une situation sans précédent mettant gravement en péril la santé des personnes détenues ». Sur ces trois sites, précisent-ils, le « déficit préoccupant de médecins généralistes hospitaliers » ne permet pas d’assurer normalement la continuité des soins somatiques, l’examen des nouveaux arrivants, les visites aux quartiers disciplinaires, ou encore la délivrance de certificats médicaux. Ces psychiatres s’inquiètent de devoir prendre en charge des soins qui ne relèvent pas de leurs compétences.
D’après les informations de l’OIP, l’unité sanitaire de Lyon-Corbas s’est particulièrement dépeuplée après un incident survenu le 9 mai : sur fond de tensions liées à une extraction médicale non programmée, deux surveillants ont fait irruption au sein de l’unité sanitaire et l’un d’eux a violemment pris à partie un médecin. « Je ne suis pas ta pute », « je vais te faire voler », « tu vas attendre cinq minutes à chaque porte », lui aurait-il hurlé, selon un écrit rédigé le lendemain par un témoin de la scène. Ce dernier mentionne la « stupeur, [la] sidération, [l’]incompréhension et [la] peur d’un passage à l’acte physique » ressenties par le reste de l’équipe soignante. Si la direction de l’hôpital assure que « les encadrants ne cautionnent en aucun cas cette attitude », la maison d’arrêt aurait cependant écarté la possibilité d’une enquête administrative ou de suites disciplinaires.
Avec les températures attendues et la pénurie de médecins dans cette maison d’arrêt surpeuplée, l’été s’annonce chaud à Lyon-Corbas.
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