La section française de l'Observatoire international des prisons (OIP) informe des faits suivants :
La Cour d'appel d'Aix-en-Provence examinera aujourd'hui le refus d'un juge d'instruction d'enquêter sur les conditions dans lesquelles la mère d'un détenu a été fouillée à deux reprises en juillet 2004 par une surveillante de la maison d'arrêt d'Aix-Lynes (Bouches-du-Rhône).
Le 21 juillet 2004, Mme M.N se rend à la maison d’arrêt d’Aix-Luynes pour visiter son fils. A son entrée dans l’établissement, elle est séparée des autres familles de prisonniers et conduite auprès d’officiers de police judiciaire, qui l’informent qu’elle va être soumise à un fouille corporelle. Les officiers de police lui expliquent en effet que son fils est suspecté de préparer une évasion et qu’ils entendent contrôler que Mme M.N. ne lui remet pas d’objet illicite. Les visites de M.N. se déroulent pourtant depuis plus d’un an dans un « parloir-hygiaphone ».
Mme M. N. est alors placée dans un local, mise à nu et fouillée par une surveillante, alors même que les personnels pénitentiaires n’ont pas autorité pour fouiller les proches des détenus et ne peuvent être requis par les officiers de police pour ce faire. La même opération se renouvelle le 23 juillet 2004, sans explication et, manifestement, sans qu’un procès verbal ne soit dressé.
S’étant sentie humiliée par cette fouille, Mme M.N. dépose plainte contre X pour violences volontaires auprès du procureur de la République, faisant valoir qu’elle a été contrainte d’écarter les jambes, de se pencher et de tousser devant la surveillante. Le procureur ayant classé sans suite la procédure, M.N. se constitue partie civile auprès du doyen des juges d’instruction du TGI d’Aix-en-Provence, le 29 mai 2007.
Le 16 juin 2008, le juge d’instruction rend une ordonnance de refus d’informer, au motif que la fouille a été réalisée dans le cadre de poursuite judiciaire et que, conformément aux dispositions du Code de procédure pénale, l’illégalité de cet acte doit avoir été constatée par la juridiction pénale saisie avant qu’il ne puisse donner lieu à une action pénale. La jurisprudence prévoit pourtant que la protection ainsi conférée aux actes réalisées à l’occasion poursuites judiciaires n’opère que lorsque le parquet a engagé des poursuites en saisissant une juridiction, ce qui n’a pas été le cas en l’occurence, puisque les soupçons de tentative d’évasion se sont révélés infondés. D’autre part, cette protection ne s’applique qu’aux magistrats, experts et officiers de police judiciaire et en aucun cas aux agents de l’administration pénitentiaire.
C’est cette ordonnance de refus d’informer qui sera examinée cette après-midi par la chambre de l’instruction de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence.
L’OIP rappelle :
– que la Cour européenne des droits de l’homme juge que des fouilles corporelles ne peuvent être réalisées que « dans le strict respect des règles en vigueur et avec tout le respect dû à la dignité de la personne [s’agissant d’] une procédure aussi intrusive et potentiellement avilissante pour des personnes qui ne sont pas des détenus condamnés ou qu’il n’y a pas de raisons plausibles de soupçonner d’avoir commis une infraction »(CEDH, Wainwright c/Royaume-Uni, 26 septembre 2006) et que « même isolée, une fouille corporelle peut s’analyser en un traitement dégradant eu égard à la manière dont elle est pratiquée, aux objectifs d’humiliation et d’avilissement et à son caractère injustifiée » (CEDH, Yankov c/Bulgarie, 11 décembre 2003) ;
– que lorsqu’une personne allègue de manière défendable avoir subi des mauvais traitements, la Cour européenne exige des autorités qu’elles mènent une « enquête approfondie et contradictoire [pour] mener à l’identification et à la punition des responsables » (CEDH, Assenov et a. c. Bulgarie, 28 octobre 1998) .