Le tribunal administratif de Rennes a tranché. L'administration pénitentiaire dispose de trois mois pour procéder aux aménagements permettant de garantir la confidentialité des conversations téléphoniques des détenus du centre pénitentiaire de Rennes-Vezin. Par ordonnance du 23 avril 2014, le Juge des référés enjoint au directeur du centre pénitentiaire de mettre en œuvre toute mesure permettant aux personnes détenues en communication avec leur avocat « de mener celle-ci confidentiellement à l'égard tant de leurs co-détenus que des membres de l'administration pénitentiaire » (lire l'ordonnance). La confidentialité des conversations des détenus avec leurs familles doit pour sa part être préservée « à l'égard de leurs co-détenus ».
Confirmant que « l’implantation des combinés téléphoniques dans les couloirs ou les cours », au mieux dans des « coffretières métalliques », ne permet aucune confidentialité, le juge fait droit à la demande de l’OIP, de l’Union des jeunes avocats (UJA), du Syndicat des avocats de France (SAF) et de l’Ordre des avocats. En mars dernier, les organisations avaient déposé ce recours en urgence demandant à ce que soit respecté le droit de « communiquer avec son avocat hors de portée d’ouïe d’un tiers », « exigence élémentaire du procès équitable dans une société démocratique » protégée par l’article 6 de la Convention européenne des droits de l’Homme.
A l’audience du 9 avril, le représentant du garde des Sceaux a contesté l’urgence de la situation, estimant qu’il n’existait « aucune atteinte aux droits de la défense » puisque « plusieurs modalités de conversation avec les avocats existent, dont les parloirs et le courrier écrit ». Il ajoute que « la loi ne reconnaît aucun droit aux détenus de contacter leur avocat pour exercer leur droit de la défense ». Une contre-vérité immédiatement corrigée par le Juge qui a rappelé que le code de procédure pénale prévoit « explicitement la possibilité d’une communication téléphonique avec les avocats des personnes détenues et garantissent cette liberté de communication ». Qui plus est, le droit à mener des conversations téléphoniques confidentielles pour les détenus « a été expressément reconnu par l’administration dans une circulaire du 27 mars 2012 » et n’est « pas sérieusement contestable », assène le tribunal.
Le ministère de la Justice invoque par ailleurs des obstacles matériels aux travaux d’isolation phonique : leur « coût budgétaire », la « faisabilité technique discutable » du fait de la nécessité de « refaire les câblages » ou d’homologuer le matériel « pour être sûr que rien ne va devenir arme par destination »… Autant de circonstances avancées par le ministère pour éviter d’avoir à isoler tous les postes téléphoniques et « d’extrapoler une solution pour tous les établissements pénitentiaires de France ».
Le ministère invoque la présence de téléphones portables pour « relativiser le problème »
Mais la défense la plus inattendue pour le ministère a consisté à « relativiser le problème » dans la mesure où les téléphones portables « illicites se multipliant dans les prisons, les détenus [peuvent] facilement joindre leurs avocats » ! Ce à quoi le juge répond que « si la présence des téléphones cellulaires au sein des centres de détention [est] de notoriété commune », « cette circonstance ne saurait dispenser l’administration de faire respecter la possibilité pour la population pénitentiaire de s’adresser par des moyens légaux à leurs défenseurs ». Et de donner une leçon de droit : la garde des Sceaux ne peut « se fonder sur une situation de fait illégale pour contester l’urgence de permettre aux personnes détenues d’être remplies de leurs droits ».
Une autre réponse serait certes moins coûteuse pour l’administration : autoriser un usage encadré du téléphone portable en prison. Le Contrôleur général des lieux de privation de liberté l’a recommandé à plusieurs reprises :
– « Une étude doit rapidement préciser les conditions d’emploi des téléphones cellulaires en détention pour déboucher sur une autorisation contrôlée » (rapport 2013) ;
– « Plus l’accès au téléphone autorisé est, dans les faits, restrictif, plus la tentation est grande pour les détenus d’avoir recours aux téléphones cellulaires, dont personne n’ignore la réalité en détention, bien qu’ils soient prohibés. Les dispositifs de brouillage restant la plupart du temps sans effet utile, une réflexion s’impose sur les conditions dans lesquelles ces appareils pourraient être utilisés, dès lors que les mesures de sécurité et de contrôle légitimes pourraient trouver à s’appliquer » (avis du 10 janvier 2011).