Un mouvement pacifique survenu le 10 janvier et mobilisant une cinquantaine de personnes détenues qui protestaient contre des dysfonctionnements avérés dans la gestion des cantines et le faible nombre d'activités à la maison d’arrêt de Saint-Quentin-Fallavier a été sanctionné par la direction. Un détenu a par ailleurs été exclu de l'établissement.
Le 15 janvier, trois personnes détenues de la maison d’arrêt de Saint-Quentin-Fallavier se sont vues infliger une sanction de confinement en cellule pour avoir, cinq jours plus tôt, refusé pacifiquement avec une cinquantaine d’autres prisonniers de réintégrer leurs cellules à l’issue de la promenade et, par ailleurs, selon la direction interrégionale des services pénitentiaires de Lyon, à des sanctions « avec sursis » pour avoir « jeté des boules de neige en direction des personnels ». Le soir des événements, une quatrième personne avait été transférée à la maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône (Rhône) alors que, selon un document interne, son transfert du quartier maison d’arrêt vers le quartier centre de détention de Saint-Quentin-Fallavier était imminent. Le document indique, sans autre précision, que l’administration le considère comme le meneur du mouvement parce qu’il s’impatientait de ce transfert.
Selon le témoignage de plusieurs personnes détenues et de leurs proches, confirmés par l’administration pénitentiaire, les revendications portaient principalement sur des dysfonctionnements dans la gestion des « cantines » et le manque d’activités. Nombre d’intervenants attestent de la réalité de ces problèmes. Ainsi, la livraison des produits alimentaires et autres commandés par les détenus à l’intérieur de la prison s’avère régulièrement chaotique depuis que l’administration n’assume plus elle-même cette mission. Contactée par l’OIP, la société Eurest, en charge de la distribution des cantines, reconnaît que de tels dysfonctionnements ont eu lieu pendant les vacances de Noël. Elle indique avoir proposé à l’administration pénitentiaire une réorganisation provisoire du service de commandes et de livraisons pour faire face aux congés de ses salariés durant cette période, mais que celle-ci s’y est opposée, causant de nombreux retards dans la remise des produits aux détenus. La direction de la prison a quant à elle expliqué que « le nécessaire a été fait » et que le responsable local de l’entreprise a été licencié. De son côté, la direction interrégionale a évoqué des « problèmes d’organisation » du prestataire privé, assurant que le problème avait été traité avec sérieux, eu égard à « l’importance des cantines en détention ». Selon l’administration, « un travail est en cours » au sujet du manque d’activités à Saint-Quentin-Fallavier. Plusieurs intervenants confirment la persistance de ce problème, notamment en ce qui concerne la formation professionnelle et l’enseignement.
Mais, pour la direction interrégionale, « la légitimité des revendications des détenus ne justifie pas les moyens employés ». L’administration considère en effet qu’un tel mouvement, même pacifique, « constitue une faute disciplinaire » et n’est « pas entendable ». Elle estime que d’autres moyens sont donnés aux détenus pour faire connaître leurs griefs de manière individuelle. Et indique qu’en 2010, « dans le cadre des Règles pénitentiaires européennes », des « bornes automatisées de traitement des requêtes » doivent être mises en place dans tous les centres de détention en France et donneront automatiquement au détenu un accusé de réception et lui « indiqueront un délai de réponse ». L’administration convient cependant que, en prison, l’expression collective des revendications et notamment les pétitions, ne sont « pas particulièrement autorisées ». De fait, une pétition diffusée au sein du centre de détention de Saint-Quentin-Fallavier en février 2007 avait donné lieu à sanctions. Elle faisait déjà état du faible nombre d’activités, notamment en matière de formation professionnelle.
L’OIP rappelle :
– que, en application de l’article 10 de la Convention européenne des droits, la libre expression des personnes détenues sur leurs conditions de détention est spécialement protégée. La Cour européenne des droits de l’homme va jusqu’à considérer que, « eu égard à la vulnérabilité des personnes détenues, […] les punitions infligées aux prisonniers pour avoir formulé de fausses accusations concernant leurs conditions de détention doivent reposer sur des justifications particulièrement solides » (CEDH, Yankov c/Bulgarie, 11 décembre 2003, §134) ;
– que l’article 29 de la loi pénitentiaire dispose que « sous réserve du maintien du bon ordre et de la sécurité de l’établissement, les personnes détenues sont consultées par l’administration pénitentiaire sur les activités qui leur sont proposées » ;
– que le transfert ne figure pas au nombre des sanctions qui peuvent, en application des articles D.249-1 et suivants du Code de procédure pénale, être infligées aux détenus en cas de faute disciplinaire.