Monsieur T., 71 ans, incarcéré à Salon-de-Provence, souffre de multiples pathologies difficiles à prendre en charge en détention. En novembre 2019, il a déposé une demande de suspension de peine pour raison médicale. Plus d’un an après, sa demande n’a toujours pas été examinée. En cause, l’absence d’expert médical pour constater son état de santé.
Monsieur T. a 71 ans. Incarcéré depuis de nombreuses années, il souffre aujourd’hui de lourdes pathologies pulmonaires et cardiaques, qui l’ont poussé en novembre 2019 à solliciter une demande de suspension de peine pour raison médicale. Sans nouvelle du tribunal, Monsieur T. renvoie en mars et avril 2020 différents certificats médicaux décrivant son état. L’un d’eux précise notamment qu’il a besoin d’oxygène en continu. Mais une suspension de peine pour raison médicale ne peut être prononcée que si une expertise mandatée par un juge établit que « la personne est atteinte d’une pathologie engageant son pronostic vital ou que son état de santé physique ou mentale est incompatible avec le maintien en détention ». Pourtant, ce n’est qu’en juin, soit sept mois après le dépôt de la demande de monsieur T., qu’un expert médical est officiellement désigné.
En dépit de cette désignation, cinq mois plus tard, Monsieur T. n’a toujours pas reçu de visite de cet expert. Interrogé par l’OIP en novembre 2020 sur la cause de ces délais, le tribunal d’Aix-en-Provence a indiqué dessaisir le premier expert et en nommer un second. Il a également annoncé inscrire l’examen de la demande de Monsieur T. à l’audience du tribunal de l’application des peines (TAP) prévue en janvier 2021 – sous réserve que l’expertise ait été réalisée d’ici là.
Si le TAP se prononce sur la demande de Monsieur T. en janvier, il aura fallu plus de 14 mois pour qu’elle soit examinée. Mais les délais d’expertise étant parfois très longs, rien ne garantit qu’un expert pourra examiner Monsieur T. dans les temps. L’examen de sa demande serait alors repoussé à la prochaine audience du TAP, soit de plusieurs semaines, voire mois. La loi prévoit pourtant un délai de six mois maximum pour l’instruction de telles demandes.
« Les délais d’expertise sont parfois très longs, qu’elles soient psychiatriques ou médicales, et nous manquons d’experts » explique un magistrat. Loin d’être isolée ou circonscrite au ressort du tribunal d’Aix-en-Provence, cette situation vient souligner à quel point les dispositifs de suspension de peine pour raison médicale restent aujourd’hui difficilement accessibles. « Les experts sont en nombre insuffisant sur le ressort, ne réalisent pas les missions des juges d’application des peines en priorité et rendent leur rapport dans des délais très importants », abonde ainsi un magistrat d’un autre ressort. Une situation dont le ministère de la Justice affirme être conscient[1] – sans qu’aucune politique destinée à pallier ce manque n’ait pour autant été mise en place.
Contact presse : Charline Becker · 06 50 73 29 04
[1] Observations du 6 décembre 2018 de la ministre de la Justice sur l’avis du CGLPL relatif à la prise en compte des situations de perte d’autonomie dues à l’âge et aux handicaps physiques dans les établissements pénitentiaires publié le 22 novembre 2018.