Il souffre également d'insuffisances rénale et cardiaque, d'un cancer de la prostate et d'incontinence urinaire. Faute de soins requis dans un établissement adapté, son état de santé s'aggrave et nécessite en décembre 2006 son transfert du centre de détention de Liancourt vers l'hôpital pénitentiaire de Fresnes (Val-de-Marne) où lui est accordée le 19 mars 2007 une suspension de peine pour raison médicale.
Bien que le rapport d’expertise produit lors de son procès conclue que son état de santé est « incompatible avec la détention dans un établissement pénitentiaire classique » et nécessite son placement « dans une structure médicalisée », M. P. est incarcéré à la maison d’arrêt de Perpignan puis transféré au centre de détention de Liancourt (Oise). Construit en 1936, cet établissement pénitentiaire a fait office de sanatorium jusqu’en 1973. « Toujours appelé centre de détention sanitaire, l’établissement n’a plus de sanitaire que le nom », indique le rapport d’activité établi par l’administration pénitentiaire en 2005. M. P. ne dispose pas de lit médicalisé ni des soins de kinésithérapie réguliers pourtant indispensables compte-tenu de son hémiplégie. Une aide ne lui est affectée qu’une demi-heure le matin pour l’aider à se lever, à s’habiller et à se laver, mais pas le soir pour se coucher ni dans la journée pour se déplacer ou se nourrir. Le traitement de son cancer de la prostate lui occasionne une incontinence urinaire, pour laquelle des protections lui sont fournies, mais qu’il ne peut changer seul. Son avocat constate qu’il est constamment souillé. Ses tentatives d’aller aux toilettes se soldent par des chutes.
Son état de santé se dégrade progressivement. Le 14 décembre 2006, il est transféré à l’hôpital pénitentiaire de Fresnes où le bilan complet réalisé conclut qu’il a été « négligé en détention, ce qui a eu pour conséquence une grabatisation ». L’expertise médicale réalisée le 24 février 2007 constate que « selon les praticiens de l’hôpital des prisons de Fresnes, les affections dont souffre M. P. ne sont pas directement en rapport avec l’effondrement de son état général qui a motivé son transfert. Ils concluent que c’est la fâcheuse prise en charge à Liancourt qui a généré la dégradation de l’état du détenu ». L’expert note également que depuis son transfert à Fresnes, sa prise en charge a permis « l’amélioration de la fonction rénale par la réhydratation », « la reprise de la mobilisation » ainsi que « l’amélioration de la fonction cardio-vasculaire ».
Une requête en suspension de peine pour raison médicale avait été déposée à Liancourt le 4 juillet 2005 par l’avocat de M.P. Bien que concluant toutes deux à un mauvais état de santé, les expertises médicales ordonnées par le juge de l’application des peines indiquaient pour l’une « un pronostic vital engagé à court terme » et « un état de santé durablement incompatible avec le maintien en détention dans un établissement pénitentiaire classique, plus particulièrement dans la prison de Liancourt » alors que la seconde, bien que relevant la nécessité d’ « un suivi médical très rigoureux » , ne constatait pas d’incompatibilité avec le maintien en détention. Les expertises n’étant pas concordantes, la requête était rejetée une première fois le 26 octobre 2005, puis en appel le 1er février 2006.
La dégradation de l’état de santé de M.P., liée à sa mauvaise prise en charge au centre de détention de Liancourt, est constatée à Fresnes où une nouvelle requête en suspension de peine est déposée le 25 janvier 2007. Les deux expertises médicales concluant « de manière concordante à l’existence d’un des deux critères médicaux exigés par la loi, à savoir l’incompatibilité de l’état de santé de l’intéressé avec son maintien en détention », la suspension de peine est accordée le 19 mars 2007.
L’OIP rappelle :
– l’article L.1110-1 du Code de la santé publique : « le droit fondamental à la protection de la santé doit être mis en œuvre par tous moyens disponibles au bénéfice de toute personne » ;
– la circulaire du 8 décembre 1994 relative à la prise en charge sanitaire des détenus, qui prévoit que les détenus ont droit à « une qualité et une continuité de soins équivalentes à ceux offerts à l’ensemble de la population » ;
– l’étude de la Commission nationale consultative des droits de l’homme relative à l’accès aux soins des personnes détenues, adoptée le 19 janvier 2006, qui estime que « l’accès des détenus aux soins spécialisés doit être mis en œuvre dans des conditions équivalentes à ce qui prévaut en milieu libre ».