Dans un arrêt du 6 juillet 2023, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) condamne la France pour conditions indignes de détention. Cette décision s’inscrit dans le prolongement de l’arrêt historique JMB c. France qui exhortait il y a trois ans l’État français à remédier à la surpopulation et à l'indignité qui gangrènent les prisons françaises. Alors que l’Assemblée nationale débat actuellement d’un projet de loi de programmation pour la Justice qui ne contient aucun remède à ces maux, l’arrêt rendu aujourd’hui tombe comme un cuisant rappel à l’ordre.
Dans la droite ligne de l’arrêt JMB c. France du 30 janvier 2020[1], la CEDH vient de condamner l’État pour violation de l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme en raison des traitements inhumains et dégradants imposées à trois personnes détenues à la maison d’arrêt de Fresnes, qui l’avaient saisie avec le soutien de l’Observatoire international des prisons (OIP).
Promiscuité et absence d’intimité, vétusté et insalubrité des locaux, hygiène défaillante, manque d’activités, etc. : la description par les requérants de leurs conditions de vie dans cet établissement était glaçante. Constatant par ailleurs que ces derniers ne disposaient pas d’une voie de recours leur permettant d’obtenir la cessation de ces mauvais traitements, les juges européens concluent également à la violation du droit à un recours effectif garanti par l’article 13 de la Convention.
Cette décision est rendue en plein débats parlementaires sur le projet de loi d’orientation et de programmation pour la Justice 2023-2027. Le décalage est criant : au moment où la Cour européenne condamne – de nouveau – la France pour sa surpopulation carcérale et l’indignité de ses conditions de détention, ce projet de loi se contente d’entériner les projections gouvernementales de création de 15 000 places de prison.
Cette politique, extrêmement couteuse et contre-productive, a pourtant fait la preuve de son échec. Depuis trente ans, les programmes immobiliers se sont succédé sans parvenir à endiguer la surpopulation carcérale, qui bat aujourd’hui des records. En décembre dernier, les instances du Conseil de l’Europe en charge du suivi de l’arrêt JMB avaient dénoncé cette logique et recommandé d’« accroître davantage [l]es efforts pour parvenir à des résultats durables de réduction carcérale […] plutôt que de continuer à augmenter les places carcérales »[2]. Elles invitaient par ailleurs les autorités « à envisager rapidement de nouvelles mesures législatives qui réguleraient, de manière plus contraignante, la population carcérale ».
En ce moment même, des amendements visant à mettre un terme à la surpopulation carcérale par l’introduction d’un mécanisme de régulation carcérale sont discutés par les députés. Un tel mécanisme est désormais appelé de leurs vœux par de nombreux observateurs et acteurs du champ carcéral : Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Syndicat national des directeurs pénitentiaires[3], associations[4]. Il est temps que les députés s’en emparent pleinement, comme première étape d’une politique globale et cohérente pour réduire, sur le long terme, la surpopulation carcérale.
Lire l’arrêt de la CEDH : Affaire B.M. et autres c. France
Contact presse : Sophie Larouzée-Deschamps · 07 60 49 19 96 · 01 44 52 88 00 · sophie.larouzeedeschamps@oip.org
[1] Surpopulation carcérale : la CEDH condamne la France à y mettre un terme
[2] Surpopulation carcérale : le Conseil de l’Europe accentue la pression sur la France
[3] Communiqué du SNDP : Politique pénitentiaire : A quand le courage des ambitions ?
[4] Projet de loi justice : des amendements examinés pour réguler la population carcérale