En février 2022, l'Observatoire international des prisons (OIP) dénonçait des lacunes dans les statistiques officielles de l'administration pénitentiaire et demandait la publication de chiffres mensuels transparents sur l’occupation réelle des quartiers hommes des établissements pénitentiaires. Un an après, les statistiques publiées mensuellement continuent d’occulter les taux d’occupation spécifiques aux quartiers hommes, masquant ainsi la surpopulation affolante qui touche certains d’entre eux.
Au 1er janvier 2023, le quartier maison d’arrêt de Perpignan affiche un taux d’occupation de 203,6 %. Mais ce chiffre mélange hommes, femmes et mineurs alors que ces populations sont incarcérées séparément. Au quartier maison d’arrêt des hommes, le taux d’occupation est en réalité de 269,7 %, un chiffre qui n’apparaît nulle part dans les statistiques officielles.
En effet, les chiffres publiés tous les mois par la Direction de l’administration pénitentiaire (Dap) présentent les taux d’occupation de chaque établissement pénitentiaire par type de quartier (quartier maison d’arrêt ou quartier centre de détention notamment), mais ce sont des taux globaux qui incluent les places des quartiers femmes, mineurs et, dans certains cas, de semi-liberté[1]. Or, ces quartiers sont rarement pleins, contribuant mathématiquement à faire baisser le taux d’occupation global.
Les chiffres spécifiques concernant des taux d’occupation des quartiers hommes, s’ils existent, ne sont jamais rendus publics. Tous les ans, l’OIP calcule ces derniers faisant apparaître une autre réalité, parfois affolante : 216,7 % à Lons-le-Saunier, soit 53 points de plus que le taux global de 163,6 % affiché par les statistiques de l’administration pénitentiaire. 222,4 % à Limoges, pour 175,9 % affichés. 192 % à Chambéry, et non 155,9 %… Dans 22 établissements, les taux d’occupation des quartiers hommes sont supérieurs de plus de 20 points aux données communiquées par la Dap, et dans 31 autres, ils augmentent entre 10 et 20 points.
Ainsi, au 1er janvier 2023, douze quartiers connaissaient des taux d’occupation supérieurs à 200 %, et non pas seulement les six recensés dans les statistiques officielles : Perpignan, la Roche-sur-Yon, Foix, Limoges, Bordeaux- Gradignan, Nîmes, Lons-le-Saunier, Tours, Carcassonne, Fontenay-le-Comte, Le Puy-en-Velay et Tulle.
D’après les organisations syndicales, l’une des raisons conduisant la Dap à ne pas publier ces chiffres tiendrait à des raisons économiques. Se baser sur ces taux globaux permettrait en effet d’éviter de payer aux surveillants certaines primes, liées au fait de travailler dans un établissement particulièrement suroccupé.
Alors que le nombre de personnes incarcérées bat actuellement des records inégalés et que la France est sommée par le Conseil de l’Europe de rendre des comptes sur les mesures qu’elle entend prendre face à la surpopulation de ses maisons d’arrêt, l’OIP demande à nouveau la publication de chiffres mensuels transparents sur l’occupation réelle des quartiers hommes des établissements pénitentiaires.
Contact presse : Sophie Larouzée-Deschamps – 07 60 49 19 96
[1] Si certains quartiers de semi-liberté sont comptés à part dans les statistiques officielles, la majorité d’entre eux sont inclus dans les chiffres relatifs aux maisons d’arrêts. Or, ces quartiers restent majoritairement sous occupés, avec une moyenne de 72,1 % d’occupation à l’échelle nationale.