Le 12 mars, Farid H. décédait à l'hôpital après avoir voulu mettre fin à ses jours alors qu'il était incarcéré à la maison d'arrêt de Gradignan. C'est le troisième suicide en moins de deux semaines dans cet établissement pénitentiaire. Une série noire qui n'est pas sans rappeler les trois suicides survenus à la prison de Nantes en janvier. Des vagues de passages à l'acte qui interrogent sur les faiblesses de la prévention en milieu carcéral.
La maison d’arrêt de Gradignan a été pointée du doigt pour sa sursuicidité à plusieurs reprises dans le passé. Jugé à risque par le Ministère de la Justice en 2009, l’établissement figurait dans la liste des 20 prisons ayant enregistré le plus grand nombre de suicides de 1996 à 2008. En janvier 2013, des parlementaires girondins alertaient la Garde des Sceaux sur la situation de la prison qui « se distingue malheureusement par la survenance récurrente de suicides [1] ».
En dépit de nombreuses mesures visant à diminuer le nombre de suicides en prison, l’approche de l’administration pénitentiaire en matière de prévention du suicide reste aujourd’hui centrée sur le repérage des détenus à risque et l’empêchement du passage à l’acte : dotation de protection d’urgence [2], cellule de protection d’urgence [3], surveillance spéciale [4], etc. Elle continue à occulter les conditions d’enfermement comme cause majeure de souffrance psychique tandis que l’offre de soin médicopsychologique reste très largement insuffisante.
En décembre dernier, l’OIP dénonçait les conditions délétères de détention à Gradignan [5], pointant notamment une surpopulation de plus en plus préoccupante (avec un taux d’occupation de 151% en novembre), un manque criant d’activités (les personnes détenues indiquant passer en moyenne 20 heures sur 24 en cellule) et de nombreux obstacles dans l’accès aux soins. Interrogée sur les récents suicides, l’unité sanitaire de la maison d’arrêt a déploré que l’administration n’ait « pas les moyens de prendre en charge correctement les détenus les plus fragiles ».
A l’heure où l’administration pénitentiaire se félicite de la baisse des suicides enregistrés en 2014, le dernier rapport du Conseil de l’Europe indique que la France figure, après le Luxembourg et la Slovénie, parmi les pays membres où l’on enregistre le plus de suicides en prison [6].
1 Courrier commun de 14 parlementaires girondins au Ministère de la Justice – 23 janvier 2013
2 Il s’agit de mettre à disposition de tous les établissements pénitentiaires des « couvertures indéchirables » et des « vêtements déchirables » (pyjama jetable, gant et serviette de toilette à usage unique), de sorte à empêcher les détenus de se doter d’un moyen de pendaison.
3 Cellule lisse, sans point d’accroche dont le mobilier réduit est scellé au sol.
4 Mesure qui consiste essentiellement en la multiplication des rondes pendant la nuit.
5 Zoom « Gradignan : vers une démolition-reconstruction », Dedans-Dehors n°86, Décembre 2014
6 Rapport SPACE I 2013, 15 décembre 2014, p 146.