La section française de l'Observatoire international des prisons (OIP) informe des faits suivants : Depuis le 1er décembre 2007, K.N., détenu au centre de détention de Saint-Quentin-Fallavier (Isère) est privé des parloirs avec sa concubine. Le permis de visite de celle-ci a été suspendu pour six mois, au motif qu'elle a diffusé devant la prison un document faisant état de possibles cas de gale. Quelques jours auparavant, K.N. avait été affecté dans une cellule précédemment occupée par une personne suspectée d'avoir la gale. Son refus d'y être maintenu l'avait conduit au quartier disciplinaire.
K.N. n’a reçu aucune visite depuis le 1er décembre 2007, y compris pendant les fêtes de fin d’année. Sa concubine, qui est quasiment la seule personne à venir le voir, s’est vu suspendre son permis de visite pour une durée de 6 mois par la direction du centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier, qui lui reprochait d’avoir « perturbé l’ordre de l’établissement par la diffusion de fausses informations ». En cause, un document qu’elle avait distribué devant la prison le 1er décembre. Elle y écrivait que « des cas de gale [avaient] été détectés », que « des précautions [avaient] été prises mais pas pour tout le monde » et regrettait que cette situation soit « étouffée » au lieu « d’être déclarée pour que toutes les dispositions sanitaires soient prises pour enrayer ces cas isolés ». Suite au transfert de K.N. vers le centre pénitentiaire d’Aiton le 1er février, sa compagne adresse un courrier au chef d’établissement lui demandant de rétablir son droit de visite. Une première réponse écrite, datée du 3 mars, est favorable. Mais elle est suivie quatre jours plus tard d’un courrier indiquant laconiquement : « vous avez eu une suspension de permis de visite émise par le directeur du centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier […] qui court toujours ». Contactée par l’OIP le 12 mars, la directrice de la prison reconnaît que ses services ont commis une « erreur » en n’ayant pas remarqué qu’une suspension avait été décidée à Saint-Quentin-Fallavier. Cette dernière était pourtant explicitement mentionnée par la compagne de K.N. dans son courrier. La directrice ajoute que la décision est « sans appel ». L’affaire doit être prochainement portée devant la direction interrégionale des services pénitentiaires de Lyon.
Pour avoir « refusé de rentrer dans la cellule qui lui était destinée » et « insulté et menacé le premier surveillant », K.N. avait également fait l’objet d’un placement préventif au quartier disciplinaire le 21 novembre 2007. Comme il l’avait indiqué dans la procédure, il ne voulait pas intégrer sa cellule car il savait « qu’il y avait eu un détenu malade » dans celle-ci. Il avait en effet été changé de cellule après une hospitalisation à l’extérieur de la prison, et avait appris incidemment à son retour, lors d’un parloir, que le précédent occupant de sa nouvelle cellule était suspecté d’être atteint de gale. Le 23 novembre, la commission de discipline le sanctionnait de 30 jours jours de quartier disciplinaire dont 10 avec sursis.
En outre, au cours de son passage au quartier disciplinaire de la prison, K.N. se plaint d’avoir été régulièrement privé des repas qui lui avaient été prescrits. La quasi totalité de ses dents ayant été extraites quelques jours plus tôt lors de son hospitalisation, l’unité de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) de la prison avait demandé la mise en place d’un régime mixé. Contacté par l’OIP, le service médical confirme que la prescription n’avait pas été respectée la plupart du temps, K.N. devant se contenter de manger ce qu’il pouvait des repas non moulinés qui lui étaient apportés et les compléments alimentaires fournis par l’UCSA, « qui ne remplacent pas un repas ». Les repas mixés étaient bien préparés en cuisine mais « se perdaient en route » et le problème n’a finalement été réglé qu’au cours du mois de janvier (durant lequel K.N. était presque toujours au quartier disciplinaire suite à d’autres procédures). Également contactée par l’OIP, la direction de l’établissement indique quant à elle qu’elle n’avait pas été informée de tels problèmes, puis après vérification auprès des services concernés, que « tout le monde est surpris », que K.N. « est un affabulateur », que l’UCSA « n’est pas toujours là lors de la distribution des repas », tout en reconnaissant que la privation de nourriture alléguée « n’est pas impossible ».
Le service médical a également confirmé que la personne qui avait occupé la cellule de K.N. avant lui à Saint-Quentin-Fallavier présentait bel et bien les symptômes de la gale, même si depuis des tests ont permis d’écarter cette hypothèse. Le 18 décembre, l’UCSA indiquait à l’OIP que la literie de la cellule en question avait été changée par le détenu en charge du service général, « probablement » muni de gants. Il ajoutait que K.N. avait été reçu au sein du service pour le rassurer. La pathologie n’ayant pu être établie avec certitude, et devant l’absence de symptômes chez d’autres personnes, aucune autre mesure n’avait été prise, notamment pour informer collectivement les détenus ou leurs proches.
L’OIP rappelle :
– que l’article D 402 du code de procédure pénale prévoit « en vue de faciliter le reclassement familial des détenus à leur libération » qu’ « il doit être particulièrement veillé au maintien et à l’amélioration de leurs relations avec leurs proches » ;
– que les Règles pénitentiaires du Conseil de l’Europe énoncent que les « modalités des visites doivent permettre aux détenus de maintenir et de développer des relations familiales de façon aussi normale que possible » (R 24-4) ;
– que la CEDH considère que les « principes fondamentaux se dégageant de sa jurisprudence sur le terrain de l’article 3 de la Convention [concernant] l’obligation des autorités nationales d’assurer la santé et le bien-être général d’un détenu [impliquent], entre autres, l’obligation de le nourrir convenablement » (Moisejevs c. Lettonie, Requête 64846/01, 15 juin 2006) et que des traitements incluant notamment l’« absence de repas diététiques, bien que prescrits médicalement » et la « privation à certains moments de nourriture ou distribution de nourriture impropre à la consommation » sont constitutifs d’un traitement dégradant au sens dudit article (Ilascu et autres c. Moldova et Russie, requête 48787/99, 8 juillet 2004)