Saisi par une personne détenue à Fresnes, le tribunal administratif de Melun a jugé, le 6 avril dernier, que les cours de promenade de la prison auraient dû être rénovées par l’administration. Et, fait rarissime, les juges ont décidé de se rendre sur place pour prendre la mesure de la situation.
Le 26 février 2015, M. T., alors détenu à la maison d’arrêt pour hommes de Fresnes, demande au directeur de l’établissement la mise aux normes des cours de promenade. Sans réponse – ce silence signifiant un rejet implicite de sa demande – M. T. décide d’attaquer ce refus de rénovation, faisant valoir que « la superficie des cours, trop réduite eu égard au nombre de détenus présents dans celles-ci lors des promenades, l’absence de points d’eau et d’urinoir, l’absence d’abri et d’assises, ainsi que l’absence de surveillance des cours ne permettent pas d’assurer des conditions de détention conformes à la dignité humaine ».
Dans sa décision, le tribunal administratif de Melun a donné raison à M. T., statuant « que les conditions dans lesquelles se déroulent les promenades des détenus du centre pénitentiaire de Fresnes excédent le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention et sont, dès lors, attentatoires à la dignité des intéressés. Par suite, la décision attaquée doit être annulée ». Autrement dit, l’administration pénitentiaire aurait dû réagir au courrier de février 2015 de M. T. et procéder à la mise aux normes des cours de promenade.
L’état de délabrement et d’indignité de ces cours avait régulièrement été signalé par les instances de contrôle française et européenne. Le Comité européen pour la prévention de la torture (CPT), suite à une visite en novembre 2015 au centre pénitentiaire de Fresnes, indique que « la délégation a directement pu voir des rats circuler à l’extérieur comme à l’intérieur des bâtiments et a noté dans les couloirs et les cours extérieurs un nombre considérable de déjections ». Mais ce sont les Recommandations émises par la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) qui permettent le mieux de prendre la mesure du caractère structurellement inadéquat, indigne, délabré et dangereux de ces parties communes. L’autorité de contrôle y dénonce en effet l’exiguïté des cours de promenade qui bordent les bâtiments de détention, expliquant « qu’il n’est pas rare que l’on voie plus de 25 personnes dans un espace d’environ 45m² » et que l’espace consacré à ces cours est « structurellement insuffisant ». Confirmant les allégations de M. T., elle relate que faute d’urinoirs, « les personnes détenues urinent dans des bouteilles qu’elles projettent ensuite par-dessus les murs ». Sur la présence de rats dans les cours, la CGLPL constate que « des comportements « adaptés » à cette nuisance permanente se sont développés : les personnes détenues ne s’asseyent plus au sol dans les cours de promenade, mais doivent se contenter de s’accroupir ou de s’adosser, et lorsqu’elles veulent jouer aux cartes, elles ne les posent pas par terre mais dans les mains d’un codétenu, qui servent de table de jeu ».
À l’initiative de l’OIP, le tribunal administratif de Melun avait déjà récemment été saisi de deux requêtes en référé-liberté sur les conditions de détention à Fresnes (en octobre 2016 et avril 2017). Il avait alors confirmé que les conditions de détention au sein de la maison d’arrêt de Fresnes soumettaient les personnes incarcérées à des traitements inhumains et dégradants et ordonné la mise en œuvre de neuf mesures visant à améliorer la situation. Cependant, et malgré les alertes visant spécifiquement les cours de promenade, celles-ci n’avait encore jamais été considérées par les magistrats. Cette fois-ci, outre qu’il donne raison à M. T., le juge annonce dans sa décision – fait exceptionnel – qu’ « il sera procédé à une visite des lieux par les quatre magistrats de la formation de jugement du tribunal, avant dire droit sur les conclusions à fin d’injonction et d’astreinte ».
Cette marque d’intérêt inaccoutumée du tribunal permettra-t-elle enfin une amélioration des conditions de vie des détenus de la maison d’arrêt de Fresnes ? La situation particulièrement dégradée de la prison de Fresnes est connue et dénoncée depuis plusieurs décennies. En février 2000 déjà, la garde des Sceaux de l’époque, Élisabeth Guigou, l’avait identifiée parmi celles qui devaient être rénovées de manière prioritaire et annonçait avoir « d’ores et déjà décidé – et obtenu les crédits correspondants – pour une réhabilitation complète »[1] de l’établissement… qui n’a jamais eu lieu.
Contact presse : Pauline De Smet – 01 44 52 88 00 – 07 60 49 19 96
- Lire le dossier de presse présentant l’état des lieux de la maison d’arrêt de Fresnes.
[1] Assemblée nationale, 3 février 2000.