Quarante-deux jours d’ITT. C’est le niveau du préjudice qu’aurait subi Mme B., après une violente altercation avec des surveillantes de la maison d’arrêt pour femmes de Poitiers-Vivonne, le 2 février dernier. Son avocate a déposé une plainte pour « violences volontaires en réunion » et « menaces de mort ».
Ce jour-là, l’administration de la prison organise une fouille de la cellule de Mme B. Cette dernière est contrainte de quitter sa cellule, contre son gré. Elle est alors amenée à l’étage inférieur pour subir une fouille par palpation, puis placée dans une salle d’attente avant de pouvoir regagner sa cellule. Dans les compte-rendu d’incident (CRI) rédigés par la suite, les agents indiquent que la détenue aurait alors « hurlé et tapé violemment dans la porte provoquant du tapage de nature à troubler l’ordre et le bon fonctionnement » de l’établissement et que « la mise en prévention [au quartier disciplinaire] et l’usage de la force strictement nécessaire ont été l’unique moyen de mettre fin à l’incident ». Les CRI rapportent également que la détenue aurait tenté de mordre un gradé lors de son placement au quartier disciplinaire.
Une agression contestée par Mme B. Dans la plainte déposée auprès du Procureur de la République, son avocate, Me Camille Van Robais, indique de son côté que sa cliente aurait été « jetée à terre » et rouée « de coups de poings et de pieds » par cinq surveillantes. Elle aurait ensuite été « tirée par les cheveux puis tirée de force dans l’escalier ». La plaignante évoque aussi des clefs de bras et une tentative de strangulation lors de son placement au quartier disciplinaire.
Une fois au quartier disciplinaire, Mme B. aurait rencontré des difficultés à accéder à des soins, malgré ses demandes, et n’a vu un médecin que le lendemain en fin de journée. « Une infirmière venue lui déposer son traitement habituel s’est notamment vu refuser par un surveillant le droit d’aider Mme B. à se relever, cette dernière étant tombée au sol et ne parvenant pas à se remettre debout tant ses appuis étaient douloureux », détaille la plainte. Mme B. aurait aussi réclamé à boire pendant plusieurs heures, sans succès. « Ne pouvant ouvrir le robinet en raison de son bras droit fracturé et non soigné, et de ses contusions côté gauche l’empêchant de mobiliser ses membres supérieurs, elle a été contrainte de boire l’eau de la chasse d’eau. » Le certificat médical qui sera finalement établi le 4 février constatera en effet de très nombreuses lésions et ecchymoses sur l’ensemble des membres et des « dermabrasions » à la base du cou, compatibles avec la version des faits avancée par Mme B. Une radio permettra par ailleurs de constater une fracture du bras droit, lequel sera plâtré pendant six semaines, portant ainsi l’incapacité temporaire de travail (ITT) à 42 jours.
« Je l’ai vue le 9 février, elle était complètement traumatisée et les traces étaient encore visibles sur son corps », rapporte Me Van Robais. « Ma cliente reste cloîtrée en cellule car elle a très peur depuis l’agression. Elle craint qu’il ne lui arrive quelque chose pendant ses déplacements, notamment dans les espaces où il n’y a pas de caméras », explique l’avocate. « Tu as parlé, tu es morte », aurait notamment menacé une surveillante quelques jours après l’incident. Suite à ces menaces, Mme B. a demandé son transfert. Elle est toujours dans l’attente d’une réponse.
Contactée par l’avocate, la directrice de l’établissement pénitentiaire se dit « très surprise par ces accusations » et a indiqué tenir les images de vidéosurveillance à disposition du parquet. La demande de conservation des vidéos a été faite par Me Van Robais, qui a par ailleurs alerté le Contrôle général des lieux de privation de liberté et le défenseur des droits sur cette affaire.
En juin 2019, l’OIP publiait un rapport d’enquête sur les violences commises par des agents pénitentiaires sur les personnes détenues. Il décrivait alors un contexte carcéral régi par des rapports de force dans lequel les altercations et incidents sont des moments propices aux dérives, particulièrement lors de situations intrinsèquement violentes comme les fouilles à nu ou les placements en cellule disciplinaire. L’association y mettait également en lumière les facteurs qui permettent à ces violences de se perpétuer. Parmi eux, les multiples risques auxquels s’exposent les détenus qui décident de porter plainte, notamment en matière de représailles. Et ce d’autant que leurs plaintes font rarement l’objet d’enquêtes effectives et aboutissent régulièrement à un classement sans suite. L’OIP suivra donc avec attention les suites qui seront réservées à la plainte de Mme B.
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