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Prison : élevage en batterie

Ce témoignage n’a pas pour vocation de jeter la pierre sur la gestion carcérale ni sur notre système judiciaire. Je veux juste partager avec vous ce que ressent un être humain entassé de force dans une prison française en 2025.

[…] Écroué dans la foulée [de ma garde à vue], me voilà arrivé en maison d’arrêt. Le lendemain, faute de place, on m’impose un codétenu. Un homme de 78 ans, soit de 38 ans mon aîné, […] condamné, à la différence de moi qui suis en mandat de dépôt.

Après quelques jours au quartier « arrivants », me voilà transféré en bâtiment. J’arrive dans une cellule de 9m2 de surface au sol, occupée par deux personnes détenues. Je suis le troisième de cette cellule étroite, composée d’un lit superposé (1,60m2), d’une petite table (0,27m2), d’un petit frigo de type bar (0,16m2), d’une petite étagère d’à peine dix casiers (0,70m2) ; un espace sanitaire avec toilettes, lavabo, douche, séparé de la pièce par un simple muret (3,75m2) ; une poubelle et trois chaises (0,54m2). Voilà ce qui encombre la surface de cette cellule, soit environ 7,02m2 sur 9m2. Il nous reste pour nous mouvoir 1,98m2, soit un bref couloir de 2,50m par 0,80m, qui couvre l’entrée de la cellule et des sanitaires.

La triste tradition de 2025

La triste tradition de 2025 : le dernier arrivé dort par terre. L’heure arrive de pouvoir enfin m’allonger après être resté assis sur une chaise toute la journée, faute de place. On empile les chaises et je couche au sol mon matelas en mousse épais de 10cm. Il est 23h15. Je fais mon lit et m’allonge, mon visage est à moins d’un mètre des WC. Mes codétenus doivent m’enjamber durant la nuit pour aller aux toilettes.
Oubliez le terme « intimité », cela n’existe pas en détention. Une table pour trois : je mange sur mes genoux sur un plateau de cantine. Une douche, un WC, une télé, un téléphone, pour trois. Pas une once d’intimité, on partage tout, le bruit, les odeurs, la chaleur, l’humidité, les appels, etc. […] Vos codétenus peuvent lire vos lettres, regarder vos photos de famille, lire vos documents et vous voler en toute impunité pendant votre absence.

Oubliez les nuits calmes à vous reposer dans les bras de Morphée. Votre codétenu a décidé de regarder la télé toute la nuit, les flashes de lumière et le son vous empêchent de trouver le sommeil. Quand la fatigue vous emporte, vous êtes réveillé en sursaut par les occupants de la cellule voisine, qui ont fini par céder à la colère générée par une cohabitation forcée. Vous vous retrouvez pris au piège avec une personne qui est là pour tentative d’assassinat, un autre pour trafic de stupéfiants. L’un d’eux fume, l’autre est condamné. Et moi au milieu, […] ni fumeur, ni condamné.

Violer la loi en la faisant appliquer

Il y a moins de place pour le travail, moins de place pour les parloirs, moins de place pour les soins, moins de nourriture dans les assiettes, moins de créneaux pour la bibliothèque, moins de place pour le scolaire, moins de surveillants, moins de sécurité. Car oui, il faut tout partager dans un lieu qui n’était pas destiné à accueillir le double de détenus.
Et moi dans tout ça ? à défaut d’être jugé (car ça aussi je dois le partager), la justice me considère innocent. C’est comme ça qu’on traite les personnes présumées innocentes ? La justice condamne des personnes car elles ont violé la loi, d’accord. Mais il y a des lois sur les conditions de détention : pourquoi la République française […] se permet-elle de violer ses propres lois ? On parle souvent du taux élevé de récidive. Commencez par vous interroger sur les conditions d’incarcération : même les animaux d’élevage intensif ont de meilleures conditions de vie.