Primo-incarcéré, Christophe de la Condamine tient dans des cahiers d’écolier le récit factuel et distancié de quatre années d’une détention « ordinaire » dans les prisons françaises de la fin des années 2000.
Des « chauffoirs » de la maison d’arrêt de Saintes (cellules de six places) à « l’usine » de Gradignan puis au centre de détention de Mauzac où « il n’y a pas de murs d’enceinte. Pas-de-murs-d’en-cein-te ! ». Attendre le courrier, un changement de cellule, un transfert, la livraison des cantines, la date du procès… « Cela ronge de ne rien maîtriser, c’est une sensation nouvelle, incroyablement destructrice ! Subir, subir, ne rien pouvoir faire qu’attendre. » Les combines ou « stratégie de survivance » qu’il faut mettre au point pour des gestes aussi banals que le rasage, les tensions entre codétenus (pour des biscuits, du tabac, du bruit), le sport pour « ne pas penser », les malentendus avec les proches, les courriers qui se croisent, les parloirs qui tardent, puis qui sont si courts… Puis « l’humiliation dans toute sa splendeur », avec la « fouille à corps approfondie, sans toucher rectal tout de même ». Lorsque vient la libération, le sentiment d’un temps perdu, d’être devenu « une pile électrique, toujours sur le qui-vive, toujours dans la violence ». Et le retour dans un monde qui n’est plus le même. « Je suis allé dans une grande surface pour acheter des cassettes audio. Ils n’en vendent plus. L’employé m’a regardé bizarrement ».
Christophe de la Condamine, Journal de taule, L’Harmattan, décembre 2011.