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« Il s’est acharné sur ma tête »

Monsieur S. déclare avoir été victime de violences à l’occasion d’une fouille intégrale en 2017, alors qu’il était détenu dans une prison du sud-est. Une plainte a été déposée dans la foulée, malgré les tentatives d’intimidation qu’il dit avoir subies. En avril 2019, il n’avait toujours aucune nouvelle du parquet. Il témoigne.

« Un jour, je vais à l’infirmerie et en sortant, on me met à la fouille. J’ai toujours du shit sur moi, en général je le cache entre mes fesses – on appelle ça coffrer. Je me déshabille. Je commence à enlever mon caleçon, sauf que mon morceau a glissé, donc j’essaie de le remettre. Un gradé fouille mes affaires quand il me voit faire. Donc il me bloque les mains, dans le caleçon. Il tire l’alarme et un surveillant arrive et me met un grand balayage : j’étais nu, sans chaussettes, sans rien, il me dit « face contre terre ». Je l’écoute et je mets ma tête sur le côté. Là, il s’acharne sur ma tête, me donne des grands coups de pieds. Je ne résistais pas, j’étais par terre, à plat ventre, j’étais menotté, en caleçon. Il continue à me donner des coups, à s’acharner sur ma tête jusqu’à ce que le gradé dise : « Arrête, tu vas le tuer. » Après, tous les surveillants sont arrivés, des gradés, et il a lâché prise. Quand je me suis relevé, ma tête pissait le sang, j’avais l’arcade pétée.

Heureusement que j’avais un téléphone avec internet, parce qu’au début, ils ne voulaient pas que j’aille à l’infirmerie. Je suis rentré en cellule, j’ai pris une photo, je l’ai envoyée à ma mère, et je l’ai dit à un surveillant. Alors ils m’ont amené à l’infirmerie – ils m’ont traîné devant tout le monde, j’étais en caleçon. À l’unité sanitaire, ils m’ont fait un certificat médical. J’ai vu le médecin, il a constaté que j’avais l’arcade pétée et j’ai eu trois ou quatre jours d’ITT [inca­pacité totale de travail]. J’ai porté plainte direct. Ma mère est allée au bureau du Procureur, ils m’ont envoyé la police. J’étais obligé, je ne pouvais pas laisser passer ça, même si je savais que ça allait me causer des problèmes. Bien sûr, le surveillant que j’accusais m’a menacé, a essayé de m’intimider. Et il a porté plainte contre moi : il a essayé de faire croire que je l’avais provoqué, que j’étais virulent et que ma tête avait tapé dans l’angle de la porte. Les enquêteurs de police ont vu qu’il mentait, que ce n’était pas possible, et sa plainte a été classée sans suite. Plein de fois il m’a menacé : « Sale pédé, tu vas voir, je vais te faire glisser par des gens », « je vais dire que tu es un violeur », etc. Je ne disais rien, je baissais la tête et j’attendais le transfert, je savais que j’allais partir.

« Le surveillant que j’accusais a porté plainte contre moi : il a essayé de faire croire que je l’avais provoqué, que j’étais virulent et que ma tête avait tapé dans l’angle de la porte. »

J’ai été transféré dans une autre prison environ un mois après. Je pense que c’est à cause de ma plainte, ça a dû accélérer ma demande de transfert. Mais là-bas, ils se sont passé le message parce qu’il y a des anciens surveillants de la prison d’où je venais. Une fois, alors que j’étais à l’isolement, je me suis embrouillé avec l’un d’eux, il m’a dit : « Je sais ce qui s’est passé à … » C’était la merde. J’étais classé comme travailleur pratiquement toute ma peine mais ils m’ont fait galérer, j’ai eu du travail en tout un mois seulement.

Un jour, un surveillant est venu, il m’a poussé brusquement dans la cellule, ma tête a tapé sur la porte, je lui ai dit que j’allais porter plainte. En plus, il y avait une caméra à cet endroit-là : si j’avais écrit au directeur pour l’alerter de ma plainte et lui dire de regarder les images, il aurait vu les violences. Alors ils m’ont envoyé un surveil­lant qui m’a dit : « Je serais toi, je ne porterais pas plainte. Après tu sais ce que ça engendre, les fouilles de cellule, ils vont te casser les c… tout le temps. » C’est pour ça que je n’ai pas porté plainte. »