Le 14 décembre, la Cour européenne des droits de l’homme a annoncé la communication au gouvernement français des requêtes de neuf détenus dénonçant des conditions d’incarcération inhumaines et dégradantes dans les prisons de Fresnes, Grenoble-Varces et Toulouse-Seysses. Moins d’un an après une condamnation historique, la Cour maintient sa pression sur la France.
Neuf hommes détenus dans les maisons d’arrêt de Fresnes, Grenoble-Varces et Toulouse-Seysses entre 2016 et 2019 avaient, pour plusieurs d’entre eux avec le soutien de l’OIP, saisi la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) pour dénoncer les conditions de détention qu’ils ont subies : manque d’hygiène (murs et plafonds sales, draps lavés une fois par mois), toilettes non entièrement cloisonnées, manque d’aération et de luminosité, absence de chauffage, présence d’animaux nuisibles (cafards, punaises de lit, rats), repas de très mauvaise qualité, cours de promenade et parloirs exiguës et sales, confinement 22 h/24 en cellule faute d’activités, climat de tension et de violence. Invoquant l’article 13 de la Convention européenne des droits de l’homme, les requérants avaient également saisi la Cour pour défaut de recours effectif susceptible de mettre fin à cette situation attentatoire à leur dignité. Certains dénonçaient en outre leur soumission à des fouilles à nu selon eux injustifiées. Estimant ces requêtes sérieuses, la Cour a annoncé le 14 décembre les avoir communiquées au gouvernement français.
Déjà saisie sur des motifs identiques par 32 personnes détenues dans six établissements différents, la CEDH avait, dans un arrêt historique rendu le 30 janvier dernier, sévèrement condamné la France en constatant « l’existence d’un problème structurel » en matière de surpopulation carcérale, et imposé de mettre en place « un recours préventif permettant aux détenus, de manière effective, (…) de redresser la situation dont ils sont victimes ». Bien que les requêtes qui viennent d’être communiquées visent deux prisons (Seysses et Varces) non concernées par cet arrêt, l’issue qui leur sera donnée fait donc peu de doute. Et l’examen de ces affaires donnera à la Cour l’occasion de faire le point sur les mesures prises par la France depuis le 30 janvier.
Alors que le Conseil constitutionnel a imposé au gouvernement de légiférer dans les mois qui viennent pour offrir une voie de recours aux détenus soumis à des traitements indignes et dégradants, les conditions de détention en France se trouvent ainsi, une nouvelle fois, placées sous le regard de la haute juridiction européenne. Après la piqûre de rappel de l’arrêt de condamnation Barbotin rendu le 19 novembre dernier, qui rappelait à la France la nécessité d’engager « un ensemble de réformes (…) pour faire face au problème de la surpopulation carcérale », la Cour de Strasbourg accentue encore un peu la pression mise sur gouvernement français, désormais au pied du mur.
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