Condamné pour la première fois à l’âge de 18 ans à une peine de cinq ans et demi de prison, Lamine a enchaîné les séjours au quartier disciplinaire et les transferts d’un établissement à un autre. Sa peine s’est peu à peu allongée de plusieurs années.
« Je suis entré en prison lorsque j’avais 18 ans, je sortais de la Ddass, je n’avais peur de rien. J’avais pris cinq ans et demi pour des vols. Je ne savais pas qu’on pouvait passer toute une vie en prison.
Après Villepinte et un passage à Osny, je suis arrivé au centre de détention de Bapaume. Au début, ça se passait bien. Mais ça faisait déjà trois ans que j’étais en prison, je n’avais pas de permission de sortir, pas d’aménagement de peine, je commençais à craquer. À 21 ans, je ne voyais pas l’avenir, je ne savais pas ce que j’allais faire de ma vie. Un jour, je ne me souviens plus trop pourquoi, mais je me suis retrouvé au quartier disciplinaire. Il pleuvait en promenade et les surveillants m’ont laissé deux heures sous la pluie avant de venir me chercher. En remontant, j’ai craché sur le surveillant et on s’est bagarrés. Sauf que tu es très, très mal vu quand tu commences à frapper un surveillant. Trois jours après, j’ai été transféré à la maison d’arrêt de Reims et j’ai pris six mois de prison. Franchement à l’époque, je m’en foutais, j’avais déjà plus de cinq ans à faire, avec cette peine supplémentaire, ça passait simplement à six.
Je suis resté quelques semaines à Reims puis j’ai été transféré à Douai, une plus grande maison d’arrêt. Ils m’ont directement placé au quartier disciplinaire, mais la directrice m’a fait sortir après avoir discuté avec moi, puis on m’a affecté au centre pénitentiaire d’Écrouves. Là-bas, je n’ai pas eu de problèmes avec les surveillants, ils m’ont dit que ce qui s’était passé à Bapaume, c’était du passé pour eux. De manière générale, les surveillants savent faire la part des choses. Ils ne peuvent pas faire la misère à tous les jeunes qui ont fait des conneries dans d’autres établissements.
La prison rend encore plus violent. Il faut apprendre à gérer la violence, la comprendre. Mais moi, à l’époque, j’étais encore un gamin, j’ai continué à faire le con donc après plusieurs transferts disciplinaires successifs, j’ai fini par atterrir à la maison centrale de Clairvaux. Là-bas, je me suis retrouvé avec des longues peines, des gens qui ont fait des trucs graves, des perpétuités. J’avais à peine plus de 20 ans, ça m’a encore plus énervé, et j’ai enchaîné les conflits avec les surveillants. Mais à Clairvaux, un “Va te faire enculer” te conduit automatiquement au tribunal. Les insultes, menaces et violences, c’est plaintes systématiques ! Moi, en moins de trois ans, j’ai pris trois peines pour des insultes et des menaces. En fait à Clairvaux, ils ne te transfèrent pas mais ils te mettent la misère.
Lorsque je suis transféré au centre de détention de Villenauxe-la-Grande en 2014, mes expériences à Clairvaux m’ont servi de leçon, je me tiens loin des embrouilles. Il y a quand même eu un incident en 2016, cinquante jours avant ma date de libération. J’étais à l’isolement. Je n’avais pas de tabac et dans mon énervement, j’ai brisé sans le vouloir la vitre de ma fenêtre. Une équipe avec casques et boucliers est intervenue et malgré mes tentatives d’explication, un surveillant, au lieu de se contenter de me maîtriser, m’a passé à tabac. Forcément, j’ai aussi rendu des coups. J’ai été transféré à Châlons juste après, où j’ai fait vingt-cinq jours de mitard pour cette histoire. Il n’y a jamais eu de suite au niveau pénal, mais aujourd’hui encore, j’ai peur que cette histoire me rattrape.
Avec tout ça, j’ai fait ma peine jusqu’au dernier jour. À ma libération, j’étais dans l’optique de rechercher du travail, j’avais aussi trouvé une copine. Avec elle, ça se passait moyennement bien car après huit ans passés en prison, tout ce qui est sentimental se perd. Même si vous êtes souriant, vous êtes dur envers vous-même et envers les autres. Après une bagarre dans la rue, j’ai directement repris quatre ans de prison. C’était à Montpellier et comme je n’étais pas du coin, j’ai rapidement subi des provocations. J’ai encore écopé de deux peines supplémentaires, de quatre et huit mois, pour des violences contre des codétenus. Ça a été mes dernières condamnations pour des histoires en prison.
Je suis sorti en 2021, mais j’ai repris deux ans pour des stups. Aujourd’hui, je ne veux pas que ma peine se prolonge. Ma place n’est plus ici. J’ai déjà perdu beaucoup d’années en prison pour des conneries. Mon fils est né en 2018, je ne l’ai pas vu grandir. Mais le but n’est pas seulement de sortir, il faut pouvoir s’en sortir une fois dehors. Il faut avoir un entourage pour y arriver, quand t’en as pas, c’est très difficile. Alors j’essaye de préparer un aménagement de peine, en continuant à croire que la vie est belle. »
Propos recueilli par Cassandre Dom