Alors que le 1er mai est la journée internationale de lutte pour les droits des travailleurs, ceux qui sont détenus restent privés de certains des droits les plus élémentaires. Ils sont en outre condamnés au silence et interdits de revendiquer toute avancée sociale.
Ce 1er mai, il est une catégorie de travailleurs qui ne pourra pas se mobiliser : les travailleurs détenus. Grands oubliés des luttes sociales, les prisonniers se voient encore, en 2023, interdits de faire grève, de créer un syndicat ou de porter toute parole collective, y compris sur leurs conditions de travail. Au risque sinon de s’exposer à des sanctions disciplinaires et à la perte de leur emploi.
Il y aurait pourtant de nombreuses revendications sociales à porter derrière les barreaux, où le droit est bien moins protecteur qu’à l’extérieur, et où les personnes détenues qui travaillent constituent une main d’œuvre particulièrement sous-payée et malléable.
Entre les murs, la rémunération est en effet extrêmement faible. Dans les ateliers de production, le minimum légal est de 45% du Smic. Pire, lorsque l’activité de travail concerne le bon fonctionnement de la prison, comme le nettoyage ou la cuisine, il oscille entre 20 et 33% du Smic. Aussi dérisoire soient-ils, ces taux ne sont de plus pas toujours respectés au profit de calculs illégaux fondés sur la productivité du travailleur. Une pratique qui a conduit le Conseil de l’Europe à relever, en mars dernier, la non-conformité de la France avec le droit à une rémunération décente.
Certes, une réforme adoptée fin 2021 a introduit un encadrement juridique du travail en prison. Vecteur de l’espoir de davantage de protection, il grave cependant dans le marbre la conception du travail carcéral comme un outil de flexibilité et précarité maximales. Dans le cadre du tour de France du travail pénitentiaire qu’il a lancé au début du mois afin d’encourager les entreprises privées à s’implanter en prison, le ministre de la Justice n’hésite d’ailleurs pas à qualifier les personnes détenues de « main d’œuvre d’appoint ».
La logique de rentabilité a en effet conduit à calquer le temps de travail des travailleurs captifs sur les besoins de l’employeur, appelé « donneur d’ordre » en détention. En prison, les contrats à durée déterminée n’ont ainsi pas de durée maximale et peuvent être renouvelés indéfiniment. La suspension de l’activité donne lieu à la suspension du contrat sans aucune indemnisation financière. Le donneur d’ordre peut encore librement modifier le planning de travail, contraignant éventuellement le travailleur qui choisirait d’honorer des rendez-vous parfois programmés de longue date, avec des soignants, le juge ou un visiteur par exemple, à perdre sa rémunération.
Si la réforme votée fin 2021 ouvre également aux prisonniers de nouveaux droits en matière de protection sociale, nombre d’entre eux ne s’appliquent toujours pas un an et demi après son adoption. C’est le cas notamment du droit à l’assurance chômage à l’issue de la détention, de l’affiliation au régime de retraite complémentaire, ou encore du droit à des indemnités journalières en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle. Leur entrée en vigueur pourrait même ne pas avoir lieu avant décembre 2024. Surtout, ces avancées restent largement parcellaires. Sans que cela puisse s’expliquer par des contraintes spécifiques au milieu carcéral, les décideurs politiques se sont ainsi refusés, par exemple, à accorder aux prisonniers une indemnisation en cas de maladie non professionnelle.
Il est indispensable de revoir en profondeur le sens et le contenu du travail en prison. Seul l’abandon d’une logique purement économique, au profit de la reconnaissance des travailleurs incarcérés comme sujets de droit à part entière, permettra d’en faire un réel outil de réinsertion.
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