Le 3 mars dernier, le ministère de la Justice dévoilait un Plan d’action contre les violences en milieu pénitentiaire.
Ce plan inclut – prévient-il dès l’introduction – toutes les formes de violence, qu’elles soient verbales, physiques, matérielles, et même institutionnelles. Il couvre toutes les situations : les violences commises en détention mais aussi celles qui pourraient survenir en milieu ouvert, à l’hôpital, au tribunal ou encore lors de mouvements extérieurs. Son champ d’action est extrêmement large et ambitieux : il prévoit de renforcer la recherche, de former les agents, de mobiliser l’ensemble des acteurs pénitentiaires mais aussi non pénitentiaires : justice, enseignement, aumônerie et même certains partenaires associatifs. Il intervient à tous les stades, depuis la prévention jusqu’à la sanction. À tous les échelons aussi puisqu’il prévoit des référents locaux, un comité national, un séminaire annuel et même des États généraux internationaux relatifs à la lutte contre la violence en milieu pénitentiaire, qui pourraient se tenir dès l’automne prochain. Il mobilise enfin des moyens techniques et humains. Et prévoit même un plan d’action « relations presse » et la rédaction d’éléments de langage à destination des médias. Bref, qu’on y adhère ou pas, ce plan apparaît comme le fruit d’un travail léché et mûrement réfléchi.
Pourtant, un élément fondamental des violences pénitentiaires en reste totalement absent : celles commises par des personnels pénitentiaires sur des personnes détenues. Pas une seule des cent mesures annoncées ne s’y intéresse. Pas un mot. Pas même une allusion. En juin 2019, quand l’OIP publiait son rapport d’enquête sur les violences des personnels pénitentiaires, nous dénoncions « un trou noir » : l’absence totale de donnée officielle ou étude spécifique sur les violences commises par des personnels pénitentiaires sur des personnes détenues, qui empêchait de s’emparer de ce phénomène et d’y trouver des réponses. Quatre ans plus tard, l’administration pénitentiaire semble s’enfoncer dans le déni. Au point de reprendre à son compte une de nos premières recommandations, que soit menée auprès des personnes détenues une enquête de victimation, mais dans le seul but « d’avoir une connaissance plus fine des violences commises entre personnes détenues ». Pendant ce temps, les témoignages de prisonnières et prisonniers qui subissent des brimades, humiliations et violences de la part d’agents pénitentiaires continuent d’affluer à l’OIP.
Par Cécile Marcel
Cet article est paru dans la revue DEDANS DEHORS n°118 – avril 2023 : Violences faites aux femmes, la prison est-elle la solution ?