Le 7 août, la Chambre de l'instruction de la Cour d'appel de Toulouse devra de nouveau se prononcer sur la demande de mise en liberté de Ludovic T., victime d'une agression à la maison d'arrêt de Seysses le 27 avril 2013 lui ayant entraîné une lourde perte d'autonomie. Hospitalisé à l'unité hospitalière sécurisée interrégionale (UHSI) de Toulouse, il nécessite, selon les médecins, des soins qui ne peuvent être assurés en milieu pénitentiaire.
Agressé en détention le 27 avril, Ludovic T. est hospitalisé depuis trois mois à l’hôpital de Rangueil de Toulouse pour un grave traumatisme crânien ayant entraîné une lourde perte d’autonomie. Alors que son état nécessite selon les médecins « un séjour prolongé et urgent dans un secteur de rééducation fonctionnelle n’exist[ant] pas en milieu hospitalier pénitentiaire (UHSI) », le parquet général s’oppose à la mise en liberté de ce prévenu. Une mesure pourtant nécessaire pour que Monsieur T. puisse être admis dans un secteur hospitalier adapté « afin de lui donner les meilleurs chances de récupération » selon les médecins. Son avocat dénonce une interprétation « fallacieuse des termes clairs et précis des certificats médicaux » par le Procureur général, qui a estimé dans son réquisitoire que l’état de santé de Monsieur T. était « seulement incompatible avec une détention ordinaire ».
Le 26 juillet, la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Toulouse a refusé de faire droit dans l’immédiat à la demande de mise en liberté et a ordonné la réalisation d’une expertise médicale visant à déterminer la comptabilité de l’état de santé de Monsieur T. « avec les contraintes carcérales actuelles à l’UHSI de Toulouse-Rangueil ». Elle mentionne les motifs d’opposition du Parquet général selon lequel « la détention est nécessaire en raison des garanties de représentation insuffisantes, du risque de renouvellement de l’infraction et du trouble à l’ordre public ». En clair, il est craint que Monsieur T., en détention provisoire pour plusieurs faits de « vol avec arme », ne se présente pas à son procès et récidive. Or, le certificat médical daté du 26 juin 2013 produit par l’avocat de Ludovic atteste que son état de santé nécessitait alors « une aide totale pour la toilette et l’habillage », « une aide partielle pour l’alimentation qui est mixée », qu’il présentait « des épisodes d’incontinence anale et urinaire », qu’il n’était « pas autonome ni pour ses déplacements, ni pour ses transferts », ou encore qu’il présentait des « troubles du comportement et des troubles neurologiques avec une absence de cohérence » ainsi qu’une désorientation spatio-temporelle. « Comment considérer que Monsieur T. pourrait prendre la fuite dans ces conditions ? », interpelle son avocat, dénonçant « le manichéisme procédural qui consiste à s’opposer avec une automaticité particulière à toute demande de mise en liberté ».
Le 7 août 2013, la Chambre de l’instruction de la Cour d’appel de Toulouse examinera de nouveau la demande de mise en liberté déposée pour Ludovic. Le jour de son admission, souffrant d’un œdème cérébral, d’un hématome sous-dural aigu ou encore de contusions cérébrales, son pronostic vital était engagé. Il a depuis subi trois interventions neurochirurgicales et a été placé dans le coma pendant plusieurs jours. Aujourd’hui, bien que son état de santé s’améliore, la rééducation nécessaire à Monsieur T. « pour éviter que les séquelles ne persistent » ne peut être assurée en milieu pénitentiaire, y compris au sein de l’UHSI de Toulouse. Alors que la France a déjà été plusieurs fois condamnée pour avoir maintenu en détention des personnes dont l’état de santé était incompatible avec l’incarcération (CEDH Mouisel c. France, 14 novembre 2002, Rivière c. France, 11 juillet 2006, Raffray c. France, 21 décembre 2010), son avocat estime que le respect de l’article 3 de la CEDH prohibant les « traitements inhumains ou dégradants » impose sa mise en liberté. Il ajoute que « la dimension humaine doit prévaloir sur des considérations artificielles mises en avant pour tenter de maintenir en détention un homme au mépris des séquelles irréversibles que cette détention pourrait entraîner ».
L’OIP rappelle :
– l’obligation positive que fait peser l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme sur les États parties, en ce qu’ils doivent « s’assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions compatibles avec le respect de la dignité humaine (…) et que, eu égard aux exigences pratiques de l’emprisonnement, la santé et le bien-être du prisonnier sont assurés de manière adéquate, notamment par l’administration des soins médicaux requis » (voir parmi de nombreux autres : CEDH, Raffray Taddei c. France, 21 décembre 2010 ; CEDH, Mouisel c. France, 14 novembre 2002 ; Matencio c/ France, 15 janvier 2004). Ainsi la Cour a considéré que « le manque de soins médicaux appropriés, et, plus généralement, la détention d’une personne malade dans des conditions inadéquates, peut en principe constituer un traitement contraire à l’article 3 » (CEDH, Farbtuhs c. Lettonie, 2 décembre 2004) ;
– l’article 46 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 : « La qualité et la continuité des soins sont garanties aux personnes détenues dans des conditions équivalentes à celles dont bénéficie l’ensemble de la population ».