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Maison centrale de Poissy (Yvelines): Puni pour une affaire montée de toutes pièces, un détenu obtient l’annulation de sa sanction

La section française de l'Observatoire international des prisons (OIP) informe des faits suivants :

Le 7 mars 2008, R.Q. a obtenu de la direction interrégionale des services pénitentiaires l'annulation des sanctions disciplinaires (2 jours de cellule disciplinaire et un déclassement de son emploi de cuisiner au mess) qu'il s'était vu infligé un mois plus tôt, le 4 février, après avoir été accusé de « détenir des stupéfiants ou tous objets ou substances dangereux pour la sécurité des personnes et de l'établissement ». Et pour cause, le paquet en question - qu'il nie d'ailleurs avoir ramassé - ne contenait que du marc de café, et avait été placé intentionnellement devant le mess afin de le piéger. À la date du 21 mars 2008, R.Q. n'a pourtant toujours pas réintégré son poste de travail au mess.

Le 2 février 2008 au matin, une surveillante déclare avoir trouvé « un morceau de substance illicite emballé dans de l’aluminium » à proximité de l’entrée du mess des surveillants. Elle en informe le lieutenant pénitentiaire qui, se rendant sur place, y voit R.Q., qui est employé au mess, « en train de fumer une cigarette, […] sur la gauche vers le terrain de boules », et décide de le piéger. Dans son compte-rendu à la direction, le lieutenant explique qu’il a fait « fabriquer un paquet factice avec du marc de café », et « demandé au gérant du mess de placer ce paquet vers le barbecue ». Puis il place deux surveillants en faction afin de surprendre un coupable. « Cachée au 1er étage du bâtiment d’hébergement des surveillants », la surveillante rend compte dans son rapport avoir vu deux détenus – dont R.Q. – qui « discutaient en se dirigeant vers le morceau de substance illicite ». Puis elle déclare que R.Q. s’est « baissé pour ramasser le colis, alors que le détenu B. continuait à guetter les fenêtres ». Ils seraient ensuite rentrés dans la cuisine du mess. Le second surveillant explique quant à lui : « je ne peux pas dire si l’un d’eux a ramassé ce colis factice, j’étais caché par la haie ».

Interrogé par le lieutenant, R. Q. déclare « avoir ramassé un emballage de sandwich » pour « le déposer dans une poubelle ». Il est cependant placé immédiatement « en prévention » au quartier disciplinaire, ainsi que le détenu qui l’accompagnait. Le lieutenant fait fouiller un chariot de nourriture préparé par R.Q. et le mess est entièrement fouillé par trois surveillants pendant plus d’une heure, de même que la cellule du détenu. Résultat : « rien de particulier n’a été découvert ». En fin de journée, le lieutenant décide de faire sortir le détenu B. du quartier disciplinaire, « compte tenu de son état psychologique dégradé ». Il est « placé en surveillance spéciale jour et nuit ». R.Q. restera quant à lui en cellule disciplinaire jusqu’à sa comparution en commission de discipline, deux jours plus tard.

Lors de son audience, R.Q. ne reconnaît pas « avoir trouvé de substance illicite », et explique qu’ étant « pro-environnement », lorsqu’il a vu au sol « un déchet d’aluminium », il l’a ramassé et l’a mis à la poubelle. Arguant du fait que l’inspection des lieux a « révélé la présence de quelques déchets (papiers, briques de jus de fruit) » non loin du lieu où R.Q. se trouvait, la commission de discipline lui reproche, s’il « demeure un adepte de l’environnement », de ne pas avoir ramassé « ces petits déchets de la même manière que celui pour lequel il passe ce jour en commission de discipline ». Considérant également « qu’il n’est pas normal de ramasser un déchet et le mettre dans sa poche – ce n’est pas un geste naturel », la commission le condamne donc le 4 février 2008 à 2 jours de cellule disciplinaire « dont 2 jours en prévention » et au déclassement de son emploi au mess.

Le 14 février, R.Q. forme un recours hiérarchique auprès de la direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP) de Paris. Le 7 mars, la DISP annule la sanction disciplinaire, considérant que « les faits ne [sont] pas démontrés et ne [peuvent] l’être » et que « cette sanction n’est pas adaptée à la faute imputée à l’intéressé, la commission de cette faute n’étant pas explicitement démontrée ». à ce jour, R.Q. n’a toujours pas réintégré son poste à la cuisine du mess. Il informe l’OIP qu’étant titulaire d’un BEP de cuisinier, il a refusé les postes d’électricien ou de peintre proposés par la direction de la maison centrale. Conscient que la décision d’annulation de la sanction ne réparera pas les deux jours de quartier disciplinaire effectués en prévention, il demande à retrouver son poste de cuisinier, que lui soit payé le salaire qu’il aurait du percevoir s’il n’avait pas été déclassé, et de pouvoir continuer à bénéficier des permissions de sortir dont il bénéficiait avant l’incident.

L’OIP rappelle :

– l’arrêt du 11 décembre 2001 de la Cour administrative d’appel de Marseille, qui a confirmé l’annulation des sanctions disciplinaires prises à l’encontre de monsieur M, détenu au centre de détention de Tarascon. Rejetant le recours présenté par le garde des Sceaux, la Cour a condamné l’Etat à verser au détenu 5000 francs, considérant que l’administration pénitentiaire ne peut sanctionner sans preuve à l’appui.

– l’article R57-9-10 du Code de procédure pénale : « En cas de faute disciplinaire commise par le détenu, le chef d’établissement peut, à titre préventif et sans attendre la réunion de la commission de discipline, décider le placement du détenu dans une cellule disciplinaire si la mesure est l’unique moyen de mettre fin à la faute ou de préserver l’ordre à l’intérieur de l’établissement. »

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