L’évaluation de la dangerosité psychiatrique et criminologique est « l’une des missions les plus difficiles qui puisse être confiée à un psychiatre », estiment l’Académie nationale de médecine (ANM) et le Conseil national des compagnies d’experts de justice (CNCEJ), dans un rapport du 6 novembre 2012.
« Concernant la question spécifique de la dangerosité, il conviendrait non plus de poser une question permettant de répondre oui ou non ‘’présente-t-il un état dangereux’’) mais une question sur l’évaluation de la probabilité de comportement dangereux ou de récidive. » Les experts peuvent recourir à deux modalités d’évaluation, complémentaires selon l’ANM : « Le débat opposant évaluation clinique et outils de prédiction des risques comportementaux (échelles actuarielles) n’a pas lieu d’être. Ces échelles n’améliorent pas la prévention ou la prédiction de la récidive mais elles sont utiles pour appuyer les conclusions de l’expert, l’aider à se distancier d’une trop grande subjectivité ou de lieux communs. Elles sont une grille de lecture du cas, véritable ou réfutable. »
Face à cette orientation nouvelle, l’ANM et le CNCEJ insistent sur la mission première de l’expertise psychiatrique: réaliser avant le procès « un acte de diagnostique » permettant d’orienter les malades vers un lieu de soin. La « surreprésentation de troubles psychiatriques » parmi les détenus conduit le groupe de travail à se demander dans quelle mesure cette mission est toujours remplie. La prison, dont le fonctionnement « exacerbe trop souvent la violence », ne saurait se substituer aux établissements psychiatriques pour la prise en charge des malades mentaux ayant commis un acte criminel. La prise en charge thérapeutique et les conditions de vie en milieu carcéral peuvent dégrader la situation des malades, conduisant à plus de récidive après leur libération. « L’inhumaine lourdeur de la majorité des procédures du milieu carcéral […] ne fait que renforcer la position des détenus en véritables exclus de notre société. » L’ANM en appelle à mettre un terme à la « confusion entre établissements de soins et établissements pour peine », laquelle « n’est souhaitable ni pour les personnes malades ni pour la société ». Si le rapport ne les cite pas explicitement, les unités hospitalière spécialement aménagées (UHSA), unités pénitentiaires implantées au sein d’hôpitaux psychiatriques, entretiennent pourtant cette confusion. Décidées sous la présidence de Nicolas Sarkozy, les 13 unités restant à construire – sur 17 – ne sont nullement remises en cause aujourd’hui.
Académie nationale de médecine et Conseil national des compagnies d’experts en justice, Évaluation de la dangerosité psychiatrique et criminologique, Rapport et recommandations, 6 novembre 2012.