Interpellée par la sénatrice Esther Benbassa sur les mesures qu’elle comptait prendre face aux allégations de violences et de mauvais traitements exercés par des personnels pénitentiaires sur des personnes détenues à la maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône, la ministre de la Justice a répondu bien-être et sécurité des agents. Une réponse ubuesque qui perpétue l’omerta dénoncée par l’OIP sur la situation alarmante de cet établissement.
En avril 2017, l’OIP publiait une enquête édifiante sur la maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône. Saisie par de nombreuses personnes détenues se plaignant de mauvais traitements à leur encontre, l’association dénonçait une gestion hyper sécuritaire de l’établissement, des brimades et humiliations quotidiennes (fouilles abusives, cantines écrasées, courriers déchirés, propos déplacés et racistes, etc.) mais également des allégations de violences physiques commises par une minorité de surveillants sur des prisonniers.
Surtout, l’OIP soulignait l’inaction de l’administration face à une situation qui, comme le relevait une source institutionnelle, était pourtant « de notoriété publique ». Il pointait un système qui menait détenus comme fonctionnaires à garder le silence, par peur de faire face à la vindicte de certains agents et par crainte des réactions des syndicats. A l’issue de son enquête, l’OIP concluait : « Devant la passivité des personnes en responsabilité, c’est finalement toute l’institution qui semble devoir être mise en cause dans cet état de fait. En dépit de deux rapports accablants du Contrôleur général [des lieux de privation de liberté] et de nombreuses plaintes de personnes détenues auprès du Défenseur des droits, les pouvoirs publics ne semblent pas prendre au sérieux cette situation : aucune mesure d’envergure n’a été engagée pour y mettre fin »
Alertée par ce constat, la sénatrice Esther Benbassa a réalisé, en décembre 2017, une visite inopinée de l’établissement. A cette occasion, elle a notamment recueilli le témoignage d’une personne détenue se plaignant des violences qu’elle aurait subies et d’une employée de l’établissement qualifiant de « harcèlement moral » le comportement de certains agents à l’encontre des détenus. Rappelant « cet état des lieux consternant » déjà dressé par les organes de contrôle, la sénatrice adressait alors une question écrite à la garde des Sceaux, lui demandant les mesures qu’elle comptait prendre pour « faire toute la lumière sur cette situation » et « y apporter des solutions ».
Si la situation n’était pas aussi grave, la réponse de la ministre aurait de quoi faire sourire, tant elle est décalée, et déplacée. Rappelant les mesures annoncées à l’issue du mouvement social des surveillants de prison en janvier dernier, elle indique notamment que celles-ci « permettent une meilleure gestion des détenus radicalisés et violents » et « renforcent la sécurité des agents ». Ainsi, rassure-t-elle, « les dispositions prises répondent à un certain nombre de demandes et revendications portées, pour certaines de longue date, par les personnels pénitentiaires et leurs représentants ». Édifiant. Voire indécent. Pour le reste, elle renvoie aux chantiers de la Justice, qui doivent concourir à l’objectif que « d’ici la fin du quinquennat, des conditions de détention plus dignes et conformes aux engagements européens soient mises en place ».
Pas un mot sur les atteintes aux droits fondamentaux des personnes détenues. Pas un mot non plus sur la situation particulière de Villefranche-sur-Saône, sur laquelle elle était interpellée. Ni annonce pour faire la lumière sur les allégations récurrentes de violences et mauvais traitements. Une non-réponse donc, qui ne peut que laisser penser que l’omerta dénoncée par l’OIP bénéficie de la complicité passive des pouvoirs publics. Et que les abus ont encore de beaux jours devant eux…
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