Édito de Cécile Marcel, directrice de l’OIP-SF
Un an d’enquête ; plus de 500 reprises médiatiques de notre rapport sur les violences commises par des agents pénitentiaires sur les personnes détenues ; une interpellation de la sénatrice Esther Benbassa s’inquiétant des graves représailles subies par un détenu qui avait dénoncé ces violences auprès d’elle ; une lettre ouverte à la ministre de la Justice de plusieurs organisations de défense des droits de l’homme l’invitant à prendre « toutes les mesures afin que, derrière les murs des prisons, les représentants de la puissance publique répondent de leurs actes, négligences ou défaillances et que les violences illégales à l’encontre de personnes détenues ne soient plus ignorées ni tolérées »(1) ; plusieurs demandes de rendez-vous pour discuter de ces mesures… Et puis quoi ? Rien.
Ou plutôt si, un double déni. Alors qu’elle était l’invitée du Grand Jury sur RTL le 15 septembre dernier, la garde des Sceaux Nicole Belloubet était appelée à répondre à notre question « surprise ». « Que signifie votre silence, Madame la Ministre, et ferez-vous le nécessaire pour mettre un terme à ces pratiques ? », lui demandions-nous. Après avoir indiqué qu’elle répondait toujours aux requêtes qui lui étaient faites – pourtant pas, à ce jour, à nos demandes d’entrevue – la ministre précisait que ces violences, « lorsqu’il y en a », étaient « toujours sanctionnées ». Et de prendre l’exemple du cas de Saint-Martin-de-Ré, à propos duquel nous écrivions qu’il aura fallu la mort d’un détenu pour que les agissements d’agents dénoncés pourtant depuis de nombreuses années soit enfin réprimés(2)… On est loin du « véritable sursaut politique » que la société civile appelait de ses vœux.
Non, Madame la Ministre, ces violences ne sont pas toujours sanctionnées, loin s’en faut. D’après les chiffres de l’administration pénitentiaire – et ils sont suffisamment rares sur ce sujet pour être soulignés – seul un agent a été sanctionné en 2018 pour des faits de violence, et un autre en 2019. Pour de nombreuses raisons, de tels faits sont rarement dénoncés, signalés, poursuivis et condamnés : ce sont ces rouages de l’impunité que nous décrivons dans notre rapport d’enquête. Une impunité contre laquelle nous formulons une série de recommandations restées, pour l’heure, lettre morte. Et tandis que les institutions garantes du respect de l’état de droit regardent ailleurs, des témoignages faisant état de mauvais traitements subis en détention continuent de nous arriver presque quotidiennement…
(1) « Violences sur les détenus : brisons le silence », tribune de l’ACAT-France, La Cimade, Emmaüs-France, la LDH et l’OIP-SF, Libération, 23 juin 2019.
(2) Cf. rapport de l’OIP, page 85.