En janvier dernier, la Cour européenne des droits de l’homme condamnait la France pour l’indignité des conditions de détention dans ses prisons et pour l’absence de recours effectif offerts aux personnes détenues. Dans une décision rendue le 19 novembre 2020, elle sanctionne à nouveau le pays pour violation du droit à un recours effectif, au motif cette fois de l’insuffisance de l’indemnité accordée à une personne incarcérée dans des conditions indignes. Et rappelle l’urgence de prendre des mesures pour lutter efficacement contre la surpopulation.
En 2012, Monsieur B. saisissait la justice pour demander réparation du préjudice qu’il estimait avoir subi du fait de son incarcération pendant quatre mois, avec trois ou quatre autres personnes, dans une cellule vétuste et insalubre de 16 m² de la maison d’arrêt de Caen. L’expert, mandaté pour constater ses conditions de détention, avait notamment relevé que la cellule était en « mauvais état » et « mal éclairée », qu’elle offrait « un volume d’air insuffisant pour cinq adultes », que sa « température ne pouvait pas être réglée » et que les toilettes non entièrement cloisonnées n’étaient pas équipées d’un dispositif d’aération. Constatant l’indignité de ces conditions d’incarcération, le juge administratif avait condamné l’État français à verser au requérant une indemnité d’un montant de 500 euros. Mais avait mis à sa charge les frais d’expertise d’un montant de 753,57 euros. Monsieur B. saisissait alors la Cour européenne des droits de l’homme pour violation de son droit à un recours effectif, requête que l’OIP a soutenu en obtenant de la Cour le droit d’intervenir dans la procédure.
Dans un arrêt du 19 novembre 2020, cette dernière constate « l’extrême modicité » de la somme accordée au requérant[1]. Elle estime également que la mise à la charge du requérant des frais d’expertise a fait peser sur l’intéressé « un fardeau excessif ». Et conclut donc que l’intéressé a été privé d’un recours effectif pour obtenir la réparation du préjudice moral né de sa soumission à des conditions de détention attentatoires à la dignité humaine. Une conclusion qui devrait inciter les nombreuses personnes actuellement détenues dans des conditions dégradantes à formuler des demandes de réparation alors que 36 prisons ont déjà été condamnées ces dix dernières années par les juridictions françaises pour ce motif dans le cadre de procédures indemnitaires.
Cette décision fait suite à la condamnation de la France par la Cour, le 30 janvier dernier, pour violation des articles 3 (traitements inhumains et dégradants) et 13 (non-respect du droit à un recours effectif) de la convention européenne des droits de l’homme. Dans cet arrêt historique, la cour avait enjoint à l’État français de prendre des mesures structurelles pour résorber définitivement la surpopulation carcérale. Un impératif de réforme qu’elle ne manque pas de rappeler, près de dix mois plus tard, évoquant « un ensemble de réformes que l’État défendeur doit mettre en place pour faire face au problème de la surpopulation carcérale et pour résoudre les nombreuses affaires individuelles nées de ce problème ».
Cette piqûre de rappel à l’attention du gouvernement français intervient alors que le législateur s’est vu contraindre le 8 octobre dernier par le Conseil constitutionnel à engager une réforme avant le 1er mars 2021. Une échéance à laquelle l’OIP sera éminemment attentif, veillant à ce que le mécanisme mis en place assure enfin le respect du droit à la dignité des personnes incarcérées.
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[1] La CEDH prend acte par ailleurs de ce que le niveau d’indemnisation accordée aux personnes détenues dans des conditions indignes a depuis été relevé par le Conseil d’État dans une décision du 3 décembre 2018