Free cookie consent management tool by TermsFeed

Au nom du peuple

« L’opinion publique n’est pas prête à accepter que l’on incarcère moins. » C’est par ces mots que Sacha Houlié, président de la Commission des lois de l’Assemblée nationale, a récemment balayé la seule solution qui s’impose pourtant face au drame de la surpopulation carcérale. Ce discours n’est malheureusement pas nouveau. Alors que les détenus n’ont jamais été aussi nombreux, que les maisons d’arrêt explosent, que l’indignité des conditions de vie dans les prisons françaises est chaque jour dénoncée et régulièrement condamnée par les tribunaux, les responsables politiques confient à qui veut bien les entendre qu’ils n’ont pas d’autre choix que de prendre des mesures qui soient acceptables pour la population.

Vivons-nous dans un pays où la foule, telle dans la Rome antique, peut d’un pouce levé ou renversé décider, non pas de la vie ou de la mort d’un homme, mais de l’intégrité physique, de la dignité et de l’humanité des près de 73 000 personnes incarcérées ? Heureusement non. Et d’ailleurs, les autorités n’hésitent pas à prendre des mesures impopulaires lorsqu’elles les estiment nécessaires. Le problème semble ici qu’elles ne jugent ni nécessaire, ni prioritaire, le respect des droits fondamentaux des personnes détenues. Tout laisse penser que ces dernières seraient les victimes collatérales d’arbitrages politiques : pour accepter de perdre des points ici, il faut pouvoir en gagner ailleurs. Et comme souvent, c’est en prétendant assurer la sécurité, quitte à jouer sur des peurs en partie fantasmées, que les responsables politiques pensent pouvoir se rendre populaires. Mais en voulant rassurer l’opinion publique, ils contribuent aussi à la façonner, à entretenir l’illusion selon laquelle la menace et les dangers seraient démultipliés et la prison le seul moyen de les endiguer. Outre que c’est un calcul risqué politiquement, puisqu’il joue le jeu des tenants d’un discours toujours plus sécuritaire, son coût social est immense. Il ferme la porte à la profonde transformation qui devrait aujourd’hui s’imposer. En faisant le pari que des citoyens éduqués, sensibilisés, informés, finiraient par l’accepter. Et peut-être même par l’appeler de leurs vœux.

Par Cécile Marcel, directrice de l’Observatoire international des prisons