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Centre national d’évaluation en outre-mer : pour la DAP, c’est non

Un groupe de parlementaires(1) préconisait en 2014 la création, « à titre expérimental », d’un centre national d’évaluation (CNE) « ambulatoire » pour les collectivités d’outremer, afin d’éviter aux personnes détenues ultra-marines d’être transférées dans l’Hexagone. Balayant la question du déracinement, la direction de l’administration pénitentiaire décide cinq ans après de rejeter cette préconisation, en raison de son coût financier et afin de « préserver l’équité de traitement entre les personnes détenues en outre-mer et celles détenues en métropole ».

Le séjour en centre national d’évaluation (CNE) est un passage obligé pour les personnes condamnées à de nombreuses années de prison, en début et en fin de peine. Pendant des périodes d’au moins six semaines, elles sont « observées » et « évaluées » par une équipe pluridisciplinaire qui propose une affectation en établissement pour peine « adaptée à [leur] personnalité » et « formule des préconisations de prise en charge dans le cadre de l’élaboration de leur parcours d’exécution de peine ». En bout de peine, l’évaluation sert à « déterminer l’existence ou la persistance d’une dangerosité éventuelle (…) dans le cadre de l’examen d’une demande d’aménagement de peine ou d’une mesure de sûreté »(2).

Problème : les quatre CNE existants sont tous situés en métropole(3), ce qui impose aux condamnés ultra-marins un transfèrement de plusieurs milliers de kilomètres que « l’administration n’est pas toujours en mesure d’exécuter », relevaient en mai 2014 les parlementaires. Il arrive en effet que l’état de santé de la personne soit incompatible avec un voyage en avion, ou que les démarches pour l’obtention d’un passeport, pour ce qui concerne les détenus de Polynésie et de Nouvelle-Calédonie, n’aient pas été exécutées. En outre, certains détenus refusent ces déplacements pour ne pas être coupés de leurs proches, quitte à purger leur peine dans les conditions déplorables de la plupart des prisons ultramarines et à se priver de la possibilité d’un aménagement de peine (le passage en CNE étant un préalable à toute demande pour certaines catégories de détenus). La séparation peut en effet être longue : une fois l’évaluation réalisée, il peut s’écouler plusieurs mois avant que leur retour ne soit organisé. Certains redoutent aussi que l’évaluation ne débouche sur une affectation dans un établissement pour peine métropolitain, les quartiers centre de détention étant souvent saturés en Outre-mer.

Par ailleurs, le groupe de travail parlementaire s’interrogeait sur la pertinence d’une évaluation menée par des personnels métropolitains, loin de l’« univers culturel » des détenus : « La perception de la dangerosité d’un jeune kanak incarcéré à Fresnes dans un univers dont il ne connait pas les codes, si loin de ses attaches tribales, ne sera pas la même que celle de personnels locaux connaissant les us et coutumes du territoire ». Enfin, le groupe de travail pointait l’avantage, avec un CNE ultra-marin, « de ne plus avoir à financer de nombreux allers et retours entre le Pacifique et l’Hexagone ».

Trop compliqué et trop coûteux pour la DAP

Interrogée par l’OIP, la Direction de l’administration pénitentiaire (DAP) répond le 17 mai 2019 avoir élaboré quatre hypothèses : un CNE implanté dans chacune des huit zones ultramarines, de simples équipes d’évaluation locales « auxquelles pourraient être adjoints des évaluateurs venus du CNE de métropole », le déplacement du CNE métropolitain ou le maintien en l’état du fonctionnement actuel. « Les trois premières hypothèses concluent à des coûts très élevés » et « une complexité des dispositifs à mettre en œuvre » en matière de structures à implanter, de recrutement ou de déplacement des équipes « disproportionnée », vu « le faible nombre de détenus concernés en outre-mer par une évaluation de la personnalité dans le cadre d’une procédure de libération conditionnelle », estime la DAP(4). Quant à « la prise en compte de l’univers culturel des personnes évaluées », l’AP suggère qu’elle pourrait être résolue « par une formation en anthropologie des évaluateurs, déjà de mise pour d’autres groupes culturels que les ultramarins ». S’abritant derrière la nécessité de « préserver l’équité de traitement » des détenus dans le « caractère pluridisciplinaire de l’évaluation, l’homogénéité des équipes et les conditions d’évaluation, dont la nécessaire rupture de lieu par un personnel différent de ceux de la détention », la DAP a décidé de maintenir le système actuel.

par François Bès

(1) Groupe de travail parlementaire sur les « problématiques pénitentiaires en outre-mer », mis en place en 2013 par Christiane Taubira, garde des Sceaux, et George Pau-Langevin, ministre des Outre-mer.
(2) Note DAP du 17 juillet 2015 relative au Centre national d’évaluation des personnes détenues.
(3) Dans les établissements pénitentiaires de Réau (77), Fresnes (94), Lille- Sequedin (59) et Aix-Luynes (13).
(4) Le nombre de détenus ultramarins évalués dans le cadre de cette procédure n’est pas communiqué. En 2014 (source La1ère/DAP) 58 détenus ultramarins avaient été admis en CNE. Le nombre de refus de transferts par des détenus n’est pas non plus communiqué.

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